L’info a aussi besoin d’être bien racontée
Voici bientôt trente ans que je n’ai pas eu l’occasion d’écrire dans le Courrier. Mes dernières interventions remontent au printemps 1983, lorsque ce journal avait accepté de publier mes reportages au fil de l’Amazone, du Pérou au Brésil. Cet intérêt pour les régions oubliées est d’ailleurs toujours resté très vif dans ces colonnes. Récemment encore, j’ai pu lire un reportage sur les orpailleurs de l’Amazonie bolivienne, qui m’ont rappelé mes pérégrinations de jeune journaliste. En trente ans, les problèmes restent les mêmes, les inégalités, les arnaques, la misère des nouveaux arrivants n’ont pas changé. Sauf qu’il y a quelques millions d’arbres en moins dans la forêt.
Mais ce n’est pas de cela que je voudrais vous parler aujourd’hui.
En trente ans, et bien que je continue à exercer ce métier tous les jours, même si c’est du côté des apparatchiks, j’avoue être devenu médiasceptique. Pas tellement parce que les crises successives du journalisme et la décadence des éditeurs ont transformé les médias mais surtout parce que l’art de raconter et le plaisir de lire des textes frais, neufs, qui respirent et qui créent une sympathie communicative avec celles et ceux qu’ils décrivent se font très rares. Partout déferle une information lisse, formatée, aseptisée, abstraite, descriptive, impersonnelle qui cherche à conquérir le temps disponible de votre cerveau mais qui ne vous prend jamais aux tripes. Les sujets et les angles varient mais pas le ton, désespérément monocorde.