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Europe : le risque du grand déclassement

« Alors que l’Union européenne fait la guerre, l’Asie fait du commerce. » C’est ainsi que le grand universitaire singapourien Kishore Mahbubani résume la situation actuelle. Mahbubani n’est pas n’importe qui. Ancien ambassadeur et président du Conseil de sécurité, universitaire renommé, classé parmi les 100 intellectuels le plus influents du monde et les 50 plus grands penseurs du capitalisme, il n’est pas précisément un complotiste décliniste et antimondialiste.

Et pourtant il estime que l’Europe a commis une énorme erreur en voulant exclure la Russie de sa sphère économique et que les Etats-Unis se trompent en pensant qu’ils vont gagner la guerre froide 2.0 qu’ils viennent d’initier juste parce qu’ils ont remporté la première. Ses arguments ? Dans les années 1950, la Chine ne pesait presque rien dans l’économie mondiale. Pas plus que l’Inde, le Sud-Est asiatique ou les autres BRICS. Ces dernières semaines lui donnent raison. La nouvelle est passée inaperçue en Occident, mais qui a noté qu’en août l’Inde avait détrôné la Grande-Bretagne comme cinquième économie mondiale ? Et que, comble d’ironie, en octobre un fils d’immigré indien succédait à une Britannique pur sucre comme premier ministre de Sa Majesté Charles III ? Quand la métropole se fait supplanter par son ancienne colonie et que sa vie politique sombre dans la médiocrité et l’insignifiance, c’est qu’il y a péril en la demeure.

La même mésaventure est en train d’arriver à l’Allemagne, qui, par fanatisme atlantiste, a laissé saboter son pipeline Nordstream sans réagir et vient de se couper de ses sources d’énergie bon marché pour se brancher sur le gaz de schiste américain et le LNG qatari beaucoup plus cher. Ce n’est pas le voyage bienvenu mais fort critiqué d’Olaf Scholz en Chine qui va rétablir la situation.

 

Quant à la France, qui laissé son parc nucléaire se dégrader au plus mauvais moment et se voit contestée dans la majorité des pays d’Afrique, sa situation est à peine meilleure. Même la francophonie est à la peine, les pays membres se plaignant qu’il ne vaut plus la peine d’apprendre le français puisque même les entreprises françaises préfèrent engager des anglophones.

Provocateur, Mahbubani enfonce le clou. Après la Chine et l’Inde (1,4 et 1,3 milliard d’habitants chacun), la discrète Asean (qui comprend notamment la Malaisie, l’Indonésie et Singapour) est en train de surclasser l’Europe, avec ses 655 millions d’habitants et son taux de croissance deux fois supérieur au nôtre. Et d’affirmer tranquillement qu’au XXIe siècle, ce sont les USA qui jouent le rôle de l’URSS et la Chine celui des USA dans la rivalité qui les oppose.

Un petit signe qui devrait interroger : qui s’isole aujourd’hui ? En 1961, c’était le bloc soviétique qui construisait le Mur de Berlin et se coupait du monde. En 2021, soixante plus tard, ce sont les Européens qui garnissent leurs frontières orientales de barbelés et bannissent leurs voisins russes de leur territoire tandis que les Etats-Unis font de même avec leur mur anti-immigrés latino-américains. Pour des raisons très similaires : à l’époque l’Union soviétique prétendait se protéger du fascisme occidental (Antifaschistischer Schutzwall) tandis qu’aujourd’hui c’est l’Europe qui prétend « protéger ses valeurs » menacées par le fascisme russe.

Il y a des symboles ravageurs.

(Kishore Mahbubani and Steven Okun, USA = USSR, China = USA if Cold War 2.0? August, 1, 2022, www.youtube.com/watch)

 

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