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Japon: petit éloge du pacifisme!

Le débat prend de l’ampleur au Japon et inquiète tous les pays du Pacifique Nord : le gouvernement et le parti libéral conservateur au pouvoir depuis cinquante ans à Tokyo réussiront-ils à abolir l’article 9 de la Constitution de 1947, celui qui stipule que « le peuple japonais renonce à jamais à la guerre comme un droit souverain de la nation et à la menace ou à l’usage de la force comme moyens de régler les conflits internationaux » et qui précise dans son deuxième paragraphe que « les forces armées terrestres, marines et aériennes ainsi que tout autre potentiel de guerre seront abandonnés pour toujours » et que « le droit de belligérance de l’Etat ne sera pas reconnu » ?

 

Mi-avril, un tribunal vient de juger contraire à la Constitution l’envoi de soldats japonais en Irak. Et début mai, la société civile japonaise a organisé une grande conférence avec des milliers de participants venus des quatre coins du pays pour préserver les dispositions « pacifistes » de l’actuelle Constitution, au grand dam de l’extrême-droite nationaliste… et des Américains, qui font aujourd’hui pression pour que Tokyo abolisse un article pourtant largement inspiré par le général Mac Arthur après la victoire de 1945 !

 

 La question divise l’opinion publique japonaise depuis 60 ans. Mais le dernier sondage a permis aux partisans de l’article 9 de relever la tête : pour la première fois depuis 15 ans, les défenseurs de la Constitution ont en effet devancé les abolitionnistes (43,1% contre 42,5 %). Il faut dire qu’ils ne manquent pas d’arguments. Ils font d’abord remarquer que les « forces d’autodéfense » japonaises comme elles s’appellent forment la 6e armée du monde et l’une des mieux équipées de la planète. En cas d’attaque, le Japon est donc loin d’être impuissant. Dès lors, pourquoi changer la Constitution ? Et de constater que cette option, loin d’accroître la souveraineté nationale, ne ferait que renforcer la dépendance à l’égard des Etats-Unis. Si le Japon a pu s’armer ainsi sans alarmer ses voisins, c’est parce que ceux-ci se sentaient protégés de toute agression grâce à l’article 9 : comment réagiront-ils quand rien n’empêchera plus le Japon de s’ingérer – sous les raisons les plus spécieuses comme les Américains en Irak – dans leurs affaires ? Ils n’ont pas oublié la sauvage occupation japonaise et le fait que, contrairement aux Allemands, les Japonais ne se sont jamais excusés pour leurs crimes de guerre. Le souvenir et la rancœur restent vivaces en Chine, en Corée, aux Philippines, au Vietnam, à Taiwan.

 

La suite est facile à deviner : il s’ensuivrait une gigantesque course aux armements dans toute la zone Pacifique, une déstabilisation à large échelle de toute la région et l’émergence d’un foyer d’insécurité étendu au tiers de l’humanité. Sous prétexte d’éviter les lâchetés et les capitulations munichoises face à la puissance montante de la Chine, on prendrait le risque de créer le même cercle vicieux qu’en 1914, lorsque les puissances, à force de bomber le torse et de redoubler de provocations militaires, provoquèrent la déflagration finale…

(Agefi, 8 mai 2007)

 

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