La leçon de fraîcheur arabe
Il y a de la révolution de 1848 dans l’air en ce moment dans les rues du monde arabe. Rappelez-vous le printemps des peuples qui avait vu la majeure partie des nations d’Europe se soulever contre leurs vieux monarques en 1848. Suisse mise à part, ces révoltes avaient vite tourné court. Mais elles avaient lancé un mouvement qui devait aboutir à la démocratisation de la vie publique, à la reconnaissance des syndicats et à un partage plus équitable des richesses produites.
Impossible de dire sur quoi va déboucher la revendication de la rue arabe. Mais, outre les acquis sur le terrain – le départ de despotes prévaricateurs, la négociation avec les partis d’opposition et la prise en compte des revendications sociales – ces révolutions de jasmin et de papyrus auront déjà réussi ce qui était impensable il y a deux mois, à savoir le sabordement des préjugés anti-arabes et anti-islamiques qui prévalaient un peu partout en Europe et aux Etats-Unis.
Ce vent frais venu du Sud de la Méditerranée ne sera peut-être qu’une brise éphémère. Mais ce n’est pas sûr. Ici et là fleuriront des régimes nouveaux, plus démocratiques et plus justes. Et elle aura semé des graines appelées à germer dans le futur, au cas où la chape de plomb retomberait. Car elle aura montré aux peuples arabes que la révolte non-violente était possible, aux musulmans pratiquants que l’émancipation politique n’est pas incompatible avec la démocratie et les droits de l’homme et que tout cela, ils pouvaient le conquérir par eux-mêmes, sans ingérence étrangère «humanitaire», politique ou militaire. Et aux Européens tentés par le repli sur soi et l’anti-islamisme primaire que les rives méridionales de leur continent pouvaient aussi offrir le visage souriant de la jeunesse et de la liberté.