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Pas de double langage contre le terrorisme

Grâce (si l’on peut dire) à l’Etat islamique du Levant et à Boko Haram, la lutte antiterroriste internationale est entrée dans une nouvelle dimension depuis une année. Il aura fallu des exactions et des crimes défiant toute imagination pour que la communauté internationale se mobilise contre ces nouveaux fléaux qui, on le remarquera, sont tous deux d’inspiration sunnite (contrairement aux miliciens houthis du Yémen qui sont chiites et n’ont rien en commun avec les autres mouvements en dépit des apparences).
Cela fera bientôt 25 ans, depuis le premier attentat de 1993 contre le World Trade Center, la guerre de Bosnie, la première guerre de Tchétchénie et les attentats salafistes en Algérie, que la planète est ravagée par le terrorisme sunnite. Or, pendant tout ce temps, l’Occident n’a cessé d’entretenir un double langage contre cette forme de terreur. Les attentats du 9 septembre 2001 n’y ont rien changé, malgré l’ampleur des attaques.
En Bosnie, on avait déjà vu toute l’intelligentsia bienpensante européenne se précipiter à Sarajevo soutenir les islamistes du président Izetbegovic contre les « méchants Serbes ». En Tchétchénie, dans la guerre de 1994 mais surtout dans celle de 1999, on a vu s’épanouir partout dans le monde une littérature dénonçant les exactions des Russes contre les « courageux rebelles tchétchènes ». En Syrie en 2011, il fallait de toute urgence s’enrôler aux côtés des « forces démocratiques » luttant contre « l’infâme Bachar El-Assad ».

A chaque fois, des voix minoritaires et jamais écoutées, ont tenté d’appeler à la prudence : attention, disaient-elles, ces islamistes travaillent en réseau, voyagent et portent le feu partout où ils le peuvent. Ce sont les mêmes, Al-Qaida, salafistes, Daech, peu importe leur nom, qui font exploser les tours de New York, les villages du Caucase ou les bas-reliefs assyriens. Mais non, il ne fallait pas « tout mélanger », il fallait distinguer les « bons » terroristes qui s’attaquaient au régime syrien et à la Russie, des « mauvais » qui trucidaient les jeunes filles au Nigeria et transformaient des avions de ligne en bombes volantes aux Etats-Unis.
En fait toute la guerre contre le terrorisme est viciée depuis le départ, c’est à dire depuis que Zbigniew Bzrezinski, conseiller du président Carter, a décidé d’armer les rebelles afghans contre le régime prosoviétique en été 1979. Depuis lors, l’Occident n’a cessé de jouer double jeu et de tenir un double langage, armant les islamistes quand ils servaient ses buts d’un côté, les combattant lorsqu’ils échappaient à son contrôle et mordaient la main qui les nourrissait. Le cas de Daech, encouragé et armé dans un premier temps grâce au soutien des monarchies-liges du Golfe pour renverser le régime syrien et contrôler l’accès du gaz et du pétrole moyen-oriental à la Méditerranée, est la dernière répétition du scénario écrit dans les années 1980.
S’il souhaite vraiment - mais cela reste à voir tant cette duplicité perdure - se débarrasser du terrorisme sunnite, l’Occident va devoir faire un choix déchirant et cesser de combattre d’une main ce qu’il attise de l’autre. Un terroriste ne peut pas être dans le bon camp lorsqu’il s’attaque à un adversaire présumé de l’Occident et dans le mauvais lorsqu’il massacre la rédaction de Charlie Hebdo. Un attentat à Grozny est aussi répugnant qu’à Paris.
Une autre mesure consisterait évidemment à combattre les vraies causes du terrorisme : la misère, les inégalités, la dictature, un libéralisme sauvage destructeur des identités et des solidarités traditionnelles. Mais c’est un tabou auquel personne ne veut s’attaquer car il remettrait en cause trop de convictions et d’intérêts bien installés.
Chacun préfère donc se limiter à la riposte sécuritaire et militaire. Soit.
La Suisse qui, pour l’instant, a été épargnée par ce fléau, devrait en tout cas éviter de tomber dans le piège du double standard et militer pour que tous les pays atteints se mettent ensemble pour le combattre, sans exclure quiconque au nom d’intérêts géopolitique particuliers. Car, à défaut d’une action concertée et sans arrière-pensées, c’est un avenir radieux qui attend Daech, Boko Haram et leurs futurs successeurs.

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