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Les dessous peu reluisants de la RTS/SS

La Suisse romande a été sous le choc en découvrant « l’affaire Darius » dans l’enquête du Temps samedi dernier. Comme tout le monde, j’ai été sidéré de voir révélés les petits vices cachés de notre star locale. La création de profils fictifs sur Facebook pour séduire de jeunes hommes n’est pas très RTS compatible, mais compte tenu que tout cela a eu lieu entre adultes ou jeunes adultes consentants, je n’y ai pas vu de quoi brûler notre ex-icône TV sur le bûcher que Calvin avait jadis réservé à Michel Servet pour des raisons d’ailleurs assez similaires.

J’ai en revanche été désagréablement surpris par le sort réservé aux deux cadres mentionnés dans l’enquête, dont non seulement on préservait l’anonymat, alors que celui de Darius était jeté en pâture au public, mais que l’on récompensait par une promotion en guise de sanction à leurs pendables agissements !

Pourquoi ménager ces deux personnes ainsi que leur hiérarchie, qui avait non seulement étouffé le scandale mais humilié les victimes en récompensant les présumés harceleurs par des nominations/mutations avantageuses ?

Depuis lors, les papiers qui ont suivi et les diverses réactions ont permis de mieux cerner les manquements de la direction, qui devra également répondre aux questions des parlementaires et aux commissions d’enquête que l’on nous a promises.

Car il est inexplicable que le dénommé « Robert » ait pu être recasé à Berne, dans l’entourage du patron de la SSR, comme responsable de Mission B, un poste grassement rémunéré par la redevance, où il s’occupe de planter des graines de luzerne dans les alpages suisses (voir l’émission de la RTS du 20 juin 2020). On croit rêver ! La SSR qui a pour mission de fournir des émissions radio et TV au peuple suisse recycle ses cadres mobbeurs en semeurs de luzerne !

Quant au dénommé « Georges », il cacherait en fait une double identité selon plusieurs sources internes, deux cadres se retrouvant derrière ce prénom d’emprunt. L’enquête l’établira. Quoiqu’il en soit, deux de ces hommes travaillaient dans l’entourage proche du rédacteur en chef de l’Actualité, Bernard Rappaz, en fonction depuis 2009.

Autre fait troublant, selon un témoignage en provenance de Lausanne, un cas similaire s’est produit il y a quelque temps à la radio, dont l’un des cadres, après avoir mobbé un journaliste, s’est vu lui aussi promu à un poste de direction en lieu et place de l’avertissement ou du licenciement qu’il aurait dû recevoir !

Les poches de la SSR semblent être tellement bien garnies que l’exfiltration par le haut des cadres défaillants, en lieu et place des sanctions, semble être une tradition bien ancrée. Et de nous assurer qu’il n’y a pas de placards dorés à la SSR !

 

Chacun est libre d’avoir les orientations sexuelles qu’il veut, du moment que cela reste d’ordre strictement privé et légal. Mais à la lumière des différents cas cités, on peut se demander s’il n’y a pas un problème systémique, tout le long de la chaine hiérarchique, du sommet jusque dans les services. Cette hiérarchie, loin de sanctionner les responsables lorsqu’ils sont dénoncés par leurs victimes, ne les couvrirait-elle pas ?

On sait que le personnel est très secoué par ces affaires et ces comportements, qui semblent être à la fois répandus et connus, même si les noms ont jusqu’ici circulé sous le manteau. Le succès de la pétition interne et la vigoureuse réaction des syndicats du personnel le démontrent. Les collaborateurs semblent déterminés à faire toute la lumière sur ces affaires et les manquements de la hiérarchie. On ne peut que les y encourager car il est temps de nettoyer les écuries d’Augias et de redonner à ce service public la dynamique, la créativité et l’audace qui avaient été sa marque à l’ère des Torracinta, Chenevière et Vouillamoz.

Car les programmes comme le téléjournal ne sont plus à la hauteur de nos attentes. Le TJ est devenu mortellement ennuyeux malgré les louables efforts de Philippe Revaz pour lui donner un peu de pep. On parle d’innovation à longueur de journée, on nous abreuve de discours sur le digital et autres lubies numériques et on s’efforce de nous vendre la RTS comme un modèle de modernité alors que la créativité, la culture, l’information ont déserté les programmes et le téléjournal, les moyens financiers ayant été détournés sur le miroir aux alouettes numérique et le parc immobilier plutôt que sur les contenus.

Il est symptomatique à cet égard que la réflexion sur la ligne éditoriale vienne de démarrer, quatre ans après le lancement du projet architectural, comme cela a été évoqué récemment par le conseiller d’Etat Antonio Hodgers. Cela montre bien l’ordre des priorités.

On avait aussi promis monts et merveilles aux Genevois pour compenser le déménagement à Lausanne. On leur avait annoncé un magnifique programme sur la Genève internationale. On allait voir ce qu’on allait voir ! Résultat : néant ! Nada ! Un vide sidéral, une vague émission sans aucun intérêt, par-ci par-là. Du journalisme zombie ! Une coquille vide ! Les Genevois - et les Romands - ont été trompés, sur cet aspect en tout cas.

Les Genevois devraient d’ailleurs se battre, aux côtés du conseil d’Etat, qui s’est récemment réveillé, pour empêcher le déménagement du Téléjournal à Lausanne. Pas par chauvinisme mais parce que ce sera l’enterrement définitif de ce qui reste de punch à cette entreprise. On a vu ce que donnait la fusion des rédactions de tamedia : la Tribune de Genève, 24 Heures et le Matin Dimanche ont perdu leur identité, leurs signatures, leur colonne vertébrale, leur sel pour se transformer en gloubi-boulga informe, sur lequel tentent de surnager quelques valeureuses individualités en lutte contre l’aplatissement général.[i]

C’est exactement ce qui va se produire pour l’information télévisée si la RTS met en oeuvre son déménagement à Lausanne. Genève y perdra beaucoup, mais les autres cantons romands n’y gagneront strictement rien, comme ils s’en rendront vite compte. Et on peut sérieusement se demander, alors que de nouvelles rédactions vont s’installer en Suisse romande comme celle de Blick et de Watson, l’ère des newsrooms, que la SSR semble tant révérer, ne sera pas déjà dépassée lorsqu’on inaugurera celle d’Ecublens dans trois ou quatre ans…

Ce programme immobilier est aussi une aberration financière. Non seulement, il absorbe de nombreux collaborateurs et des coordinateurs occupés à mouliner dans le vide pendant des années, mais c’est aussi un gouffre à millions (40 selon les chiffres publiés). Contrairement à ce que certaines études ont pu prétendre, l’immeuble de la radio à la rue du Temple à Lausanne était parfaitement fonctionnel et offrait toute la place nécessaire aux développements futurs de la radio. A l’heure du travail à domicile, du développement du numérique et au moment où la SSR prétend devoir réduire la voilure et annonce des réductions de personnel, est-ce bien judicieux de quitter la Sallaz pour investir dans de nouveaux locaux de prestige dans la campagne d’Ecublens ?

Quant à la Tour TV à Genève, luxueusement rénovés il y a moins de dix ans et déjà sous-occupés à l’heure actuelle, on peut également s’interroger sur le projet de louer les futurs espaces libérés à des tiers extérieurs. Et cela au moment où une crise immobilière durable s’installe, avec des dizaines de milliers de m2 de locaux commerciaux à louer ! La SSR n’est pas une agence de location immobilière, que l’on sache !

A cet égard il serait pour le moins choquant que, grâce au droit de superficie octroyé par l’Etat de Genève, la RTS roule dans la farine les contribuables genevois qui seraient ainsi doublement taxés, une fois par leurs impôts et une seconde par la redevance Serafe. Le Conseil d’Etat, de même que les employés genevois de la RTS, doivent tout faire pour empêcher cette forfaiture. Après tout, le canton de Berne n’a-t-il pas réussi à faire plier la SSR et à sauver le siège de la radio DRS, usant de tout son pouvoir ? Si Berne a pu le faire, Genève peut y parvenir aussi.

Il n’est pas normal que la RTS/SSR gaspille ses ressources pour se transformer en agent immobilier, et sacrifie la qualité de ses programmes, le travail de ses journalistes et de ses réalisateurs dans le seul but de satisfaire les ambitions mégalomaniaques d’une hiérarchie incapable de sanctionner ses cadres défaillants.

Il est temps que nous nous mobilisions pour redonner à cette entreprise et à celles et ceux qui se battent pour sauvegarder un service public de qualité l’aura qu’ils méritent. Et on est fatigué de devoir regarder des séries américaines de deuxième zone parce qu’il faut financer des parpaings à Ecublens…

 

 

 

 

 

 

 

[i] Je m’empresse de préciser à cet égard que la responsabilité de cette évolution incombe d’abord aux éditeurs, qui n’emploient plus que des comptables et des spécialistes marketing à la direction de leurs groupes, les rédactions et les rédacteurs en chef n’étant plus que des variables d’ajustement.

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