La tentation totalitaire nous guette
Quand les historiens du prochain siècle écriront l’histoire du XXIe siècle au temps du Covid-19, ils seront sans doute atterrés par la facilité avec laquelle notre génération aura cédé à la tentation totalitaire et renoncé à ses idéaux de liberté au profit d’une illusoire sécurité.
Les plus grands dissidents soviétiques, Alexandre Soljenitsyne et Alexandre Zinoviev, qui avaient passé leur vie à dénoncer le totalitarisme communiste, avaient déjà essayé d’attirer notre attention. Une fois passés à l’Ouest, ils avaient été épouvantés par notre tendance à céder aux séductions d’un totalitarisme aussi doux, libéral, avenant, bienveillant qu’insidieux. Ils ont tous deux écrit plusieurs livres à ce sujet, publiés à L’Age d’Homme à Lausanne dans les années 1990. Ils n’ont pas été entendus. Trop iconoclastes, trop contraires aux idées reçues, des discours de radoteurs fatigués d’avoir trop combattu l’ennemi communiste.
Et pourtant, si on se donne la peine de les relire, on constaterait qu’ils anticipent parfaitement le dangereux et apparemment irrésistible basculement de nos sociétés « démocratiques » vers une forme de totalitarisme qui a rompu avec les méthodes hystériques, vociférantes et violentes des fascismes et du communisme pour adopter le langage à la fois alarmant et maternant, anxiogène et sécurisant, cacophonique et très orienté des experts et des politiques ravis du pouvoir qu’on leur a donné sans même qu’ils aient eu à le prendre.
Nous avons simplement troqué Big Brother contre Big Sister.
Regardez ce qui se passe depuis vingt ans. En 2001, à la faveur d’une attaque terroriste à New York et à Washington, l’Occident adopte en trois semaines des mesures liberticides (le Patriot Act) qui réduisent le citoyen à l’état de mouton (les mesures de sécurité aux aéroports par exemple). Un mois plus tard, il envahit l’Afghanistan. Puis l’Irak, la Libye, la Syrie dans des guerres qui durent encore. Aucune résistance, à part quelques remous au moment de noyer l’Irak sous les bombes en 2003, tant le mensonge était gros.
En 2008, une énorme crise financière puis économique achève de détruire ce qui restait d’Etat Providence, de combat syndical, d’autonomie des salariés, de sécurité de l’emploi. Saisissant la crise comme une aubaine, la finance, pourtant sauvée de la faillite par les citoyens, et les grandes entreprises réussissent à retourner la situation en leur faveur grâce à la complicité des Etats et des instances supranationales : austérité, délocalisations, démantèlement des derniers filets sociaux, flexibilité, concurrence redoublent d’intensité. La gauche, déjà à moitié convertie avec le blairisme et les « réformes » Hartz de Schröder, démissionne pour s’adonner à ses dadas favoris : les luttes sociétales et la défense des fonctionnaires. Les derniers contre-pouvoirs disparaissent.
En 2020, le couvercle se referme. La pandémie vient parachever le processus en imposant le nouvel ordre sanitaire. Contestataires, sceptiques, simples citoyens éveillés deviennent des complotistes qui compromettent la survie de leurs semblables avec leurs questions dérangeantes. Toujours avec la même méthode : d’un côté, on distille la peur (du terrorisme en 2001, du chômage en 2008, du Covid en 2020) et de l’autre, on offre la solution clé en main (l’état d’urgence et de guerre contre ces ennemis supposés).
Silence, on ferme ! Les stations de ski, les bistrots, les fêtes de famille, les EMS, les petits commerces, les églises, les réunions d’amis. Télétravaillez, regardez Netflix et dormez, Big Sister veille sur vous !