Gare au grand déclassement
On n’est toujours pas sorti de la crise mais on commence à entrapercevoir ses conséquences politiques, économiques et sociales. Elles ne sont pas souriantes.
Tentons d’esquisser un inventaire des maux que la pandémie aura laissés derrière elle quand elle aura reflué.
Les dégâts sont de tous ordres. Sur le plan sanitaire, il faudra réexaminer pourquoi les plans de lutte contre les épidémies ont mal fonctionné, pourquoi nous n’étions pas prêts et nous nous sommes laissés surprendre, pourquoi le système hospitalier, imprégné d’idéologie managériale à courte vue, obsédé par la gestion de lits et de matériel et d’équipement à flux tendus, a liquidé toute idée de stocks et de réserves. Pourquoi la médecine de ville et la médecine clinique ont été écartées au profit des chercheurs, statisticiens et théoriciens. En un mot : d’un scientisme niais.
De même, le lien public-privé, ou plutôt entre l’Etat et les pharmas, devra être analysé. Le modèle qui consiste à étatiser les pertes (traitement du Covid par les hôpitaux publics) et à privatiser les bénéfices (traitements coûteux et inefficaces comme le remdesivir et fabrication subventionnée de vaccins par un secteur privé qui cumule bénéfices d’exploitation et explosion des dividendes et de la valeur de ses actions). A revoir aussi, le modèle des pharmas qui se sont débarrassés de leurs labos pour sous-traiter la recherche à des start-ups et à des labos publics financés par le contribuable mais liés à eux par des chaires ou des contrats de recherche privés.
Sur le plan social et économique, il faudra reconstruire les secteurs sinistrés, financer le chômage, faire face à la diminution des recettes fiscales, trouver des moyens pour amortir la dette. Il faudra aussi reconstruire le lien social et la confiance politique dévastés par la crise, tout en limitant les dégâts du creusement des inégalités subis par les jeunes, les étudiants, les artistes, les cafetiers-restaurateurs et l’ensemble des bas revenus frappés par les RHT.
A court terme, on voudra oublier tout ça. Comme dans un après-guerre, on voudra revivre comme avant, et même plus qu’avant. Mais à moyen terme, le malaise social va ressortir s’il n’est pas traité.
Et sur un plan géopolitique, il faudra nous faire à l’idée que l’Occident aura été déclassé par la Chine, et même par la Russie ou Israël, en termes de gestion de la crise, de capacité vaccinale et de reprise économique.
Dur, dur sera le réveil. Mais rien ne sert de larmoyer, il faut se mettre tout de suite au travail et panser nos plaies. Le plus tôt sera le mieux.