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La plaie de la désinformation économique

 

Voilà un livre que celles et ceux qui aiment l’économie se doivent de lire. Et même les autres ! Car en ces temps de propagande géopolitique échevelée, il est utile de connaître le fonctionnement et de démasquer les mécanismes de la désinformation, qui sont les mêmes dans tous les domaines de l’activité humaine.

Avec l’indépendance d’esprit, le sérieux et la pugnacité qu’on lui connaît, Myret Zaki dévoile donc les ruses, les faux-semblants, les demi-vérités, les vraies omissions, les biais méthodologiques, les conflits d’intérêt cachés, les études académiques sponsorisées, les chiffres trompeurs qui servent à enjoliver des résultats, ou au contraire à masquer des réalités économiques et sociales beaucoup moins roses qu’il n’y paraît.

Premier constat : la désinformation économique vient moins du bas, des réseaux sociaux et des petites gens mécontents, que du haut, des gouvernements, des grandes entreprises et des grandes institutions. Elle résulte de la tentation de l’idéologie, qui consiste à présenter le libéralisme économique et les performances de l’Occident sous leur meilleur jour, afin de les rendre plus désirables et de déconsidérer par exemple le dirigisme à la chinoise. Et aussi de la tentation de manipuler les statistiques pour leur faire dire le contraire de la réalité et désamorcer ainsi les revendications sociales.

Que veut dire un taux hypothécaire très bas si l’on exige 5% d’amortissement par an ? Un revenu moyen de 7500 francs par mois quand il englobe une explosion des très hauts revenus et des bas salaires qui plafonnent à 3500 francs ? Une baisse du chômage quand on n’y inclut pas les inactifs non-inscrits et les personnes en sous-emploi forcé ? Une inflation nulle quand on ne rend pas en compte la hausse continue des primes maladies ? Un PIB qui ignore le développement humain et la qualité de la vie ? Un cours de l’or, seule valeur tangible digne de ce nom, manipulé ?

 

En onze chapitres fouillés, Myret Zaki montre en détail comment ces données essentielles sont triturées, malaxées et régurgitées pour ne pas dire ce qu’elles devraient dire.

Les entreprises, soucieuses de leur réputation et de leur cotation en bourse ne font pas mieux, elles qui déguisent leurs rapports annuels en jeux de rébus incompréhensibles, noyant le lecteur curieux sous des avalanches de chiffres et des centaines de pages sans intérêt pour mieux cacher l’absence de l’essentiel.

Elle montre aussi comment les paradis fiscaux prolifèrent et prospèrent malgré les mesures soi-disant prises à leur encontre - les pays de l’UE hébergent toujours 36% de l’évasion fiscale selon Tax Justice Network - et comment les révélations orchestrées des - China, Swiss Panama, Pandora, etc. - leaks qui pullulent depuis dix ans épargnent comme par enchantement certains paradis offshore pour mieux enfoncer les autres.

Mais la plus grande plaie de la désinformation économique est peut-être ailleurs : dans la manière insidieuse, car invisible, dont la communication a infiltré le journalisme économique et oriente les contenus à des fins commerciales ou partisanes. Et dans la manière dont les sponsors, mécènes et autres fondations philanthropiques font avancer l’agenda de leurs richissimes financiers en dissimulant les conflits d’intérêt et en se masquant derrière l’alibi de la générosité. Le 1% des plus riches, qui peuvent tout se payer, sont souvent à la manœuvre. Les exemples pullulent à ce sujet.

Enfin, il existe une tendance lourde à privatiser la propagande en s’achetant les services de lobbyistes, d’ONG, de services d’espionnage privés, d’agences spécialisées dans le polissage de son image et le dégommage de la concurrence sur les réseaux sociaux.  

Puisse ce journal continuer à lui échapper !

 

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