La Chine ne sauvera pas la croissance mondiale
La question n’est plus de savoir si la Chine peut sauver le moteur d’une croissance économique mondiale en panne, mais si elle peut se sauver elle-même. Les autorités chinoises, qui ont longtemps nié l’impact de la crise financière sur leur économie réelle, ont dû se rendre à l’évidence. En trois semaines, le ton a changé à Pékin. Fin octobre, les premières prévisions sur la baisse du taux de croissance à 8% au lieu des 12-13% habituels ont sonné l’alarme et le 9 novembre le Conseil d’Etat annonçait le plus ambitieux plan de relance d’un membre du G20.
C’est qu’il y a urgence. On le sait, depuis dix ans, le modèle chinois carbure à la croissance à deux chiffres, basée quasi exclusivement sur les exportations. La stabilité sociale, et donc politique, en dépend. Les Chinois ont pris brutalement conscience de leur vulnérabilité et ont décidé de dégager les moyens nécessaires.
La solution existe : elle s’appelle consommation domestique. Il s’agit de transformer les 900 millions de Chinois des campagnes en consommateurs chargés de prendre le relais des exportations souffrantes. Simple à dire, mais complexe et surtout long à mettre en œuvre. Depuis plusieurs années, le gouvernement central essaie de développer les provinces du centre et de l’ouest, avec un succès mitigé. Les provinces côtières et la classe moyenne urbaine captent l’essentiel des ressources, alimentant la spéculation immobilière et boursière. Il s’agit donc de canaliser les investissements utiles vers l’ouest pour y développer non seulement les infrastructures mais aussi les écoles, les pensions et les hôpitaux, explique le vice-ministre Qian Xiaoquian.Paradoxe, les Chinois ne manquent pas d’argent, ils en ont peut-être trop. L’ancien ambassadeur de Suisse à Pékin Dante Martinelli confirme : au lieu de consommer, les ménages mettent de côté pour payer des écoles à leurs enfants, des soins à leurs parents et s’assurer un bas de laine pour leurs vieux jours. Mais créer une sécurité sociale, des réseaux de soin et un système scolaire pour un milliard de personnes prend du temps, beaucoup de temps. Et c’est cette course-là qu’il s’agit de gagner rapidement.
Une première mesure vient d’être prise pour revaloriser le revenu des paysans et leur faire accéder à la consommation. Le droit foncier rural vient d’être réformé et les paysans disposent désormais, à défaut de titres de propriété de la terre, de droits temporaires qu’ils peuvent vendre, louer ou hypothéquer pour investir dans leur exploitation. Et du coup, ils peuvent défendre juridiquement leurs droits et obtenir des compensations en cas de tentative d’expulsion de la part d’autorités locales souvent corrompues. C’est un signe positif.
La Chine réussira-t-elle sa reconversion ? Schindler Chine est optimiste. L’entreprise, qui fut la première joint venture jamais réalisée avec un partenaire étranger, voit l’avenir sereinement malgré la crise : en 20 ans, la population urbaine chinoise passera de 45 % à 60%. Il faudra construire des villes, et donc des ascenseurs et des escaliers roulants pour des centaines de millions de nouveaux citadins… En Chine jouer contre la montre est possible à condition de voir loin, très loin, et de miser sur l’économie réelle. (A suivre)