Deux issues pour gagner : oui à l'Europe, non à Merz
L’histoire s’accélère brusquement et devient passionnante. En quelques mois, la Suisse a lâché la distinction entre fraude et évasion fiscales et les trois-quarts du secret bancaire, deux institutions qu’elle considérait comme des piliers de son existence et de son identité. Le dernier bastion - l’échange automatique d’informations - vient de tomber depuis qu’Hans-Rudolf Merz vient de le troquer contre le libre accès des banques suisses au marché européen.
Désemparé, paniqué par ces capitulations en rase campagne, l’establishment politico-financier du pays, qui n’avait rien vu venir et qui est pourtant largement responsable de cet état de fait, s’insurge, tempête, s’agite de ci de là comme la mouche du coche et cherche à se dédouaner en désignant à la foule qui réclame des têtes les ruades désordonnées du Conseil fédéral.
Bref, pour le dire poliment, c’est le chaos.
Toute situation, aussi dramatique soit-elle, comporte pourtant des issues. Mais encore faut-il les chercher sans se boucher le nez ni fermer les yeux. Premier constat : la Suisse est acculée, assiégée. Attaquée de toutes parts, elle recule sur tous les fronts et elle en est réduite à de piètres parades défensives. Dans ces conditions, il est impératif de retrouver une profondeur stratégique, comme disent les militaires, afin de retrouver une certaine liberté de manœuvre et de passer à la contre-offensive.
C’est parfaitement faisable, mais encore faut-il dessiller les yeux. Première étape : remplacer M. Merz par du sang neuf. C’est peut-être injuste mais néanmoins nécessaire à cette étape de notre histoire. Quand la Deuxième guerre mondiale a éclaté, les Anglais ont immédiatement échangé Chamberlain, devenu le capitulateur de Munich, contre Churchill, afin qu’il incarne la résistance. Une année auparavant, ils avaient pourtant applaudi Chamberlain. C’est ainsi : celui qui s’est retrouvé, même malgré lui, l’ordonnateur de la retraite, ne peut pas être l’instrument de la reconquête.
Seconde étape : relancer l’adhésion à l’Union européenne. Il faut être clair. L’Amérique est loin, elle se désintéresse de l’Europe et elle observe les banques suisses avec le même regard hostile que nos voisins. La proposition de Christoph Blocher, qui voulait créer un marché commun avec les Etats-Unis, n’est donc plus de mise... La croissance future est en Asie et dans des pays émergents comme le Brésil et ce sont donc ces marchés qu’il faut développer. Mais pour cela, il faut ménager notre base, notre fonds de commerce, qui est en Europe. Or, très logiquement, l’Europe nous ferme ses marchés puisque nous refusons d’y adhérer. La menace est donc très réelle. Cette nouvelle donne s’ajoutant au besoin de consolider notre base arrière, la solution s’impose : il faut relancer l’adhésion pour occuper le terrain politique, gagner la bataille des opinions publiques et nous donner du temps pour reconstruire notre système financier et notre identité nationale sur de nouvelles bases.
Mais qui osera franchir le premier pas ?