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Russie-OMC : à l’Europe de jouer

En juin 2009, lassée par 15 années de négociations infructueuses avec l’Organisation Mondiale du Commerce, la Russie avait riposté en rappelant ses négociateurs et en créant une Union douanière avec la Belarus et le Kazakhstan. Un an après le climat a changé, les discussions ont repris et le président Obama a officiellement apporté son soutien à la candidature russe à l’OMC. Reste à convaincre les Européens, divisés et prisonniers de leurs préjugés anti-russes.

 

Si elle accède un jour à l’Organisation mondiale du commerce, la Russie pourra se targuer d’avoir remporté la palme des négociations les plus longues de l’histoire de l’OMC. Commencées en 1995, cinq ans avant le fameux cycle de Doha, les premières discussions ont traîné en longueur, tantôt empêchées par des vetos politiques qui ne voulaient pas dire leur nom, tantôt freinées par des oppositions internes à l’économie russe et au Kremlin. De guerre lasse, Vladimir Poutine a donc annoncé, en juin 2009, qu’il suspendait les négociations de Genève. Le 17 juillet, la création d’une Union douanière avec le Kazakhstan et la Belarus est proclamée, avec entrée en vigueur au 1er janvier 2010. Prudent, le président Medvedev garde toutefois la porte entrouverte et précise que les négociations avec l’OMC pourront se poursuivre par le biais de l’Union douanière et que celle-ci, comme le prévoit d’ailleurs l’OMC, pourrait devenir membre de l’organisation en tant que telle.

 

Fin janvier 2010, un contact est cependant renoué avec l’OMC à Genève, en vue de relancer la procédure d’accession russe. Plusieurs scénarios sont évoqués. Le premier prévoit que la Russie commence les négociations d’adhésion seule et mène parallèlement des discussions avec le Kazakhstan sur l’harmonisation des engagements tarifaires. Selon le second, la Russie et le Kazakhstan adhèrent à l’OMC en même temps après s’être mis d’accord sur les engagements tarifaires. Le troisième scénario, l’adhésion de l’Union douanière en tant que telle, avec la Belarus, est abandonné à cause du retard de la Belarus, qui n’a pas encore entamé les négociations bilatérales avec les membres principaux de l’OMC.

 

L’idée est de reprendre les négociations là où elles ont été interrompues en juin 2009. Six problèmes systémiques restent à régler : le niveau des subventions à l’agriculture, les modalités d’importation de viande, les droits à l’exportation, les activités des entreprises commerciales publiques, les engagements sur les prix et les règles de transparence. Le dernier point est réglé lors du sommet Russie-Europe de Saint-Pétersbourg en juin 2009. Le dossier agricole est plus délicat, notamment en ce qui concerne la « boîte jaune », les mesures de soutien qui ont un effet de distorsion sur le commerce des produits agricoles. La Russie souhaite en effet maintenir le soutien au développement de son agriculture, d’un montant de 9 milliards de dollars par an pour la période 2008-2012. Ce problème, estime Moscou, peut-être réglé en 3 ou 4 mois.

 

Les droits à l’exportation, qui constituent le principal obstacle, ont été pratiquement résolus avec les Etats-Unis lors du sommet Obama-Medvedev à Washington fin juin 2010. Les problèmes commerciaux entre les deux pays ont été résolus, les Russes ayant fait des concessions importantes dans un domaine politiquement sensible pour Obama, celui des exportations de viande de poulet américain en Russie. Même le dernier cas en suspens, celui des exportations de bois russes (que la Russie souhaitait limiter afin de soutenir l’émergence d’une industrie locale de transformation), a pu trouver une solution. Dès lors, les Etats-Unis ont affirmé qu’ils soutenaient officiellement et sans réserve l’accession de la Russie à l’OMC, gommant du même coup l’opposition de la Géorgie qui restait virulente après le conflit ossète d’août 2008.

L’hypothèque américaine levée, Moscou souhaite désormais éliminer la dernière résistance à l’adhésion, celle de l’Union européenne. Les difficultés ne sont pas plus grandes qu’avec les Etats-Unis. Mais les Russes butent sur un problème quasi insurmontable, l’absence de pilote, de patron avec qui discuter, et l’omniprésence d’une bureaucratie molle et peu motivée à leur endroit. Comme l’ensemble des autres pays de planète, ils souffrent de l’absence d’interlocuteur qualifié et de l’obligation d’avoir à mettre d’accord 27 pays différents pour résoudre chaque problème particulier. Fuyant leurs responsabilités, les représentants européens à Genève renvoient la balle aux Russes en leur disant : « Réglez d’abord les problèmes internes à votre Union douanière et revenez nous voir quand vous aurez terminé ». Ce qui est une manière de renvoyer la Russie dans les cordes et de repousser son adhésion aux calendes grecques : l’économie évoluant sans cesse, un accord obtenu sur un front avec un partenaire peut vite donner naissance à de nouvelles exigences si les délais s’allongent.

A quoi la Russie répond qu’elle est prête à négocier son adhésion d’abord et à faire les concessions nécessaires pour lever les obstacles bilatéraux avec l’Union, comme elle l’a fait avec les Etats-Unis, et qu’une fois son accession réalisée, elle réglera les problèmes au sein de l’Union douanières conformément aux règles de l’OMC et dans un accord séparé. Un objectif d’adhésion qui serait parfaitement atteignable d’ici la fin 2010 pour peu que l’Union européenne soit motivée.

On le voit, l’enjeu économique, mais aussi politique, est de taille, puisque la Russie est la dernière grande économie mondiale à rester en dehors de l’OMC. La Suisse, et en principe l’ensemble des pays du monde ont un intérêt à accéder avec le moins d’entraves possibles au marché russe. Mais l’adhésion revêt aussi un caractère stratégique important : on sait que les milieux d’affaires russes, tout comme le Kremlin, sont très divisés sur la question, ce qui ne facilite pas la tâche des négociateurs russes.

L’été dernier, le camp de la fermeture l’a emporté, lorsque les négociations ont été suspendues par Vladimir Poutine. Cette année, elles ont été rouvertes. Si les partisans de l’ouverture, des échanges commerciaux et de la libre entreprise et donc d’une vie économique et politique à l’occidentale, selon les règles de l’Etat de droit et de la démocratie, devaient à nouveau subir un camouflet, il y alors fort à parier que la Russie se refermerait pour longtemps.

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