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Un monde toujours plus atomisé

Pendant cinquante ans, on avait connu un monde bipolaire, lequel prit brutalement fin en 1991 avec l’éclatement de l’Union soviétique. Puis il y eut une brève décennie d’hégémonie américaine, avant qu’à l’aube du XXIe siècle, on n’en arrive à un monde dit multipolaire avec l’émergence des nouvelles puissances du Sud, Chine, Inde, Brésil.
Le printemps arabe, qui a réveillé des peuples rendus longtemps muets par la camisole de force de dictatures impitoyables à l’intérieur de leurs frontières mais infiniment perméables aux intérêts de l’Occident à l’extérieur, vient compliquer la donne. Si elles réussissent, et elles réussiront un jour ou l’autre même si ce n’est pas tout de suite, ces révolutions vont en effet réinstaller un nouveau pôle dans un monde décidément beaucoup plus complexe qu’on l’avait pensé.

Si la démocratie s’installe dans les pays arabe conformément au souhait officiel des puissances occidentales, il y a en effet fort à parier que ces nouveaux pouvoirs ne se contenteront plus d’être les serviteurs obéissants du G8 mais qu’ils revendiqueront leur place sur la scène internationale. Le vieux deal - je vole et je torture à ma guise à l’intérieur de mes frontières en échange de ma docilité à l’extérieur – risque bien de prendre fin. De nouveaux acteurs pourraient surgir, qui représenteront une force démographique, stratégique (le gaz et le pétrole) et idéologique (une légitimité démocratique fondée sur les valeurs universelles des droits de l’homme) indéniable.
A partir de là, le monde deviendra encore plus compliqué, imprévisible, ingouvernable que maintenant. Ce qui risque d’advenir, ce n’est plus seulement un monde multipolaire, plus ou moins gérable avec les institutions existantes – ONU, Banque mondiale, OMC, FMI, Forum de Davos et autres G 20 – mais un monde complètement atomisé. Assez semblable à celui que l’Europe avait connu au Moyen Age, avec l’éclatement de l’empire romain en myriades de principautés en compétition les unes avec les autres et qui cherchaient vainement à recréer l’unité disparue sous la bannière toujours déchirée du Saint-Empire romain-germanique. Ou si l’on préfère, à la période chinoise dite des Royaumes combattants qui prévalut entre deux phases d’unité impériale.
On le sait, comparaison n’est pas raison et l’histoire ne se répète pas. Mais force est de constater que, depuis vingt ans, des forces puissantes sont à l’œuvre et que ces forces vont vers la désagrégation, l’atomisation des vieilles structures alors qu’on ne voit toujours pas poindre de nouvelles pour les remplacer. Il va donc falloir apprendre à vivre dans une période d’incertitude croissante, de chaos et de désordre apparents, qui sera aussi un temps d’opportunités fantastiques, de création et de gestation, duquel finira bien par émerger un jour un nouvel ordre.
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