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L'info, cette vague dévastratrice

Nous sommes mi-juin, il s’est à peine passé cinq mois depuis le début de l’année et nous avons déjà vécu au moins trois raz de marée médiatiques : les révolutions arabes, qui ont secoué le monde en janvier et février - tiens ! Où en en sont-elles aujourd’hui ? Elles ont quasiment disparu des écrans radars - la tragédie de Fukushima, ses réacteurs nucléaires qui partent en vrille et sa radioactivité tchernobylienne – là aussi, plus de nouvelles à part un petit reportage ici et là sur des vallées reculées qui font grésiller les compteurs Geiger – et enfin DSK !
Trois événements différents, mais trois événements qui ont chacun atteint le degré 7 sur l’échelle de Richter du sismographe médiatique. D’ailleurs, à chaque fois, le scénario est le même : un grondement sourd durant les premières heures ou les premiers jours, un court avertissement par Iphone et sur les radios d’info continue, puis la rumeur monte, enfle, gagne les téléjournaux, la presse quotidienne, puis les magazines au point de submerger tout l’horizon informationnel comme la vague géante de Fukushima, balayant tout sur son passage, voitures, bateaux, maisons, misérables humains qui s’agrippent à un poteau électrique vite renversé. Puis, pendant des jours, mais jamais plus de deux semaines, on ne parle plus que de «l’affaire » en cours. Plus une radio, une TV, un journal qui ne sacrifient à la liturgie bien rôdée de la super-catastrophe-aubaine-médiatique-de-premier-ordre : les grands prêtres du culte sont convoqués, des diacres plus ou moins savants avancent leurs thèses contradictoires, tandis qu’une foule de personnages de seconde zone se pousse du coude pour étaler son ignorance. Seuls ceux qui savent se taisent. L’opinion publique, le café du commerce, et ces nouvelles concierges de la sphère internet que sont les bloggeurs s’emparent du sujet et font gonfler les rumeurs. Kadhafi tombera demain matin, c’est sûr ; le troisième réacteur va exploser et l’eau de refroidissement radioactive va s’écouler dans la mer et tuer tous les poissons ; DSK a confondu la femme de chambre avec un escort girl payée par la CIA.

Après une semaine de ce régime, on atteint le paroxysme, la planète entière, ou une bonne partie, se lève, déjeune, travaille et s’endort - quand elle peut ! - avec l’événement du jour dans les tympans. Le paroxysme, l’extase peut-être, médiatique est atteinte. C’est génial ! Sauf que plus personne ne sait ce qui se passe, la confusion est générale. Kadhafi tient toujours, l’OTAN hésite, les patrons japonais s’excusent et font des courbettes en public ce qui semble apaiser les ions radioactifs si menaçants la veille, les avocats de DSK plaident la « relation consentante » et ses amis penchent de plus en plus pour l’acte manqué. Bref, on entend tout et son contraire, partout et tout le temps, ce qui nous précipite, nous autres pauvres résidents de cette planète secoués en permanence par cette succession d’événements, dans un état de stupéfaction, d’hébétude et de sidération générales.
C’est en principe à ce moment-là que la vague se retire aussi mystérieusement qu’elle était arrivée. Tout d’un coup, il n’y a plus rien qu’un paysage désolé, jonché de gravats de sentiments, de débris de souvenirs, de carcasses d’impressions dont on ne sait que faire faute d’avoir eu le temps de graver ce qui s’était passé, et faute de gens compétents - où sont les journalistes ? - pour nous en faire saisir les tenants et les aboutissants à tête reposée, sans les trompettes de l’urgence et les tambours de l’instantané.
Fin février, nous étions sommés de digérer le printemps rabe, fin mars d’avaler le tsunami nucléaire et fin mai la chute de la galaxie DSK. Mais ce dernier a déjà épuisé son « espace de temps disponible » dans nos têtes de consommateurs médiatiques. Depuis trois jours, la place est libre pour une autre déferlante. On attend. Avec impatience mais sans trop de souci : la bactérie tueuse du concombre masqué se profile à l’horizon avec de bonnes chances de réussite.
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