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Les vrais enjeux du grand cirque anti-FIFA

Maintenant que les projecteurs des médias mondiaux semblent braqués sur d'autres objectifs que les collines zurichoises et que la meute des journalistes assoiffés de sang a obtenu la tête de Sepp Blatter, on peut enfin essayer de comprendre les raisons profondes de tout ce cirque.
La lutte contre la corruption, prétexte officiel invoqué pour arrêter la poignée de dignitaires américains du foot, n'est évidement qu'un motif secondaire. Si c'était le cas, pourquoi se focaliser sur la FIFA qui n'est après tout qu'un petit comparse dans cette affaire? Et pourquoi monter une opération aussi spectaculaire à ce moment précis?
Comme l'a bien dit Peter Bodenmann, coup monté il y a bien eu: d'habitude, on ne trouve pas de journalistes du New York Times planqués devant le Baur au Lac à 6h du matin. Et si les Suisses se réveillent tard, il n'y a pas de raison de croire que nos confrères alémaniques soient restés endormis ce jour-là. Il a donc bien fallu que la presse américaine soit informée de la descente de la police suisse. Le NYT était donc de mèche avec la justice américaine.
Pourquoi? A mon sens, cette magistrale opération de communication répond à plusieurs objectifs. Il s'agissait d'abord d'obtenir l'effet le plus spectaculaire possible. A la veille du congrès de la FIFA, avec la présence de tous les médias mondiaux, l'attentat médiatique ne pouvait que réussir. Stupeur garantie jusqu'au fond des Iles Tonga sans dépenser un franc de comm. Deuxième objectif: faire diversion tout en ciblant la FIFA. Réfléchissons: qui est-ce qui a été arrêté? Uniquement des Américains, du nord, du centre et du sud. Et qu'a fait la presse? Elle a comme un seul homme, à la suite de la dépêche du NYT, parlé d'arrestations à la FIFA avant de se mettre à pilonner "ces pourris de la FIFA". Or la cause de ces arrestations, c'est la corruption des fédérations américaines de foot, Concacaf et autres, pas celle de la FIFA, même si ces personnes sont aussi membre de la FIFA. Si la justice américaine avait opéré aux Eaats-Unis, toute la presse aurait ciblé sur l'appartenance des victimes aux fédérations américaines et non à celle de la FIFA. Coup double pour la Justice américaine: on évite de montrer que les corrompus sont d'abord des Américains de toutes origines et on désigne à la vindicte mondiale la FIFA, ce qui du coup permet aux Etats-Unis de prendre la posture du preux chevalier blanc qui terrasse la pourriture du reste du monde. Il n'y avait qu'à lire les commentaires élogieux des médias envers l'"l'incorruptible" procureur Lynch pour s'en convaincre.

Troisième objectif, montrer au monde stupéfié que la justice américaine peut frapper n'importe où et n'importe quand au moment où elle le veut. Impossible de faire étalage de sa puissance en restant chez soi. Le message est donc clair pour tous ceux qui s'avisent de prendre leurs aises vis à vis des règles - et donc du pouvoir - américaines: on peut vous atteindre n'importe où. Les banquiers suisses et français l'avaient déjà bien compris, eux qui payent des amendes faramineuses pour avoir outrepassé des lois américaines.
Qu'on se le dise: à partir de maintenant, le droit national, l'Etat de droit local si vanté par les théories libérales, ne valent plus un clou. Cette suprématie de la li américaine sur le droit internationale et toutes les autres lois nationales n'est pas une nouveauté. Elle fait partie intégrante du "smart power" promu par Obama et Hillary Clinton. Là où George Bush débarquait avec ses GIs et ses bombardiers, Obama arrive avec ses drones furtifs et ses lois impériales. En démocratie, le bras de la justice est une arme encore plus efficace que celle des généraux: elle parait moins sanglante, moins coûteuse, plus sophistiquée et surtout infiniment souple. Sous prétexte de corruption, on peut poursuivre à peu près n'importe qui, surtout quand on peut définir soi-même ce qui est corruption et ce qui ne l'est pas...
Quant à la FIFA, quelles que soient les responsabilités de ses membres, elle apparait comme le dindon de la face dans cette histoire. Blatter, qui avait commis le crime impardonnable de donner aux petits pays la même importance qu'aux grands et qui avait rééquilibré les revenus du foot mondial en le redistribuant aux continents moins bien lotis, sera considéré comme un salaud par les Européens et leurs clubs milliardaires. Ceux pour qui la règle ne doit pas être un pays égale un vote, mais un dollar égale un vote ont de beaux jours devant eux, aucun journaliste "redresseur de tort" n'ayant fait remarquer que la gouvernance de la FIFA était la plus démocratique du monde contrairement à celle de l'ONU, du FMI et de toutes les autres instances internationales. Mais Blatter restera un héros en Afrique, en Asie, en Amérique latine, soit chez les trois-quarts de l'humanité. Après tout, ce n'est pas si mal.
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