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Mouvements tectoniques en Asie

Lancé il y a deux ans par le président chinois Xi Jinping, le projet de nouvelle Route de la soie prend de l'ampleur. En début de semaine dernière se tenait à Pékin un forum organisé par le Quotidien du Peuple avec plusieurs dizaines de hauts responsables régionaux et centraux du parti et 130 invités étrangers de 60 pays avec, s'il vous plait, échanges de vue et photo de groupe au siège de l'Assemblée nationale avec le No 5 du régime chinois, le responsable de l'idéologie et des médias, Liu Yunshan.
Comme toujours en Chine, tout est calibré, soupesé et rien n'est laissé au hasard. Chaque participant est trié sur le volet. L'honneur de présider la rencontre, côté invités étrangers, avait été confié au chef de l'agence d'information indonésienne, tout surpris de tant d'égards. Pourquoi? Au petit déjeuner, il m'explique qu'aux yeux de Pékin, l'Indonésie est un partenaire essentiel de la route de la soie, à tel point que le président chinois a choisi le parlement de Djakarta pour annoncer son projet, et que la Chine est en compétition avec le Japon pour construire le premier TGV indonésien. L'arrivée au pouvoir du parti prochinois proche de Sukharno devrait aider au rapprochement.
Et les Chinois de brosser un tableau grandiose du projet. Il ne s'agit rien moins que de créer une communauté de destin asiatico-européenne, et même une civilisation nouvelle, dans le sillage de la millénaire route de la soie qui a irrigué le commerce mondial terrestre et maritime entre l'Orient et l'Occident de l'empire romain au Moyen Age. A terme, le projet entend mobiliser 5 milliards de personnes, 63 % de la population de la planète, et la moitié du PIB mondial. Et, crise boursière ou pas, le pays envisage d'atteindre dans quelques années les 1000 milliards de dollars annuels d'échanges commerciaux, de lancer 500 millions de touristes chinois sur les routes du monde et d'investir 10 000 milliards dans les infrastructures des pays émergents et les approvisionnements en énergie et en matières premières.
Faut-il prendre tout cela au sérieux?

En Occident, par schadenfreude et scepticisme culturel, par préjugé aussi, tellement les nouvelles provenant de Chine sont négatives, nous avons tendance à penser que non. Les dernières petites phrase de Hollande, les péripéties électorales, la énième controverse sur la réforme de l'AVS et l'écrasement de la Grèce ou la mise à l'écart de la Russie nous paraissent des sujets autrement plus importants pour l'avenir du monde.
Ma conviction est que nous avons tort. Pas par fascination du modèle chinois, mais parce qu'après quinze ans d'observation attentive, je pense qu'il faut prendre les Chinois au sérieux. Plus que leurs éventuelles fanfaronnades, c'est leur détermination qui est fascinante. La Chine, avec ses trois mille ans de civilisation, a un immense avantage sur nous: elle a la maitrise du temps et de l'espace. Or l'Occident, obsédé par les rendements et les calculs à court terme, a déjà perdu la maitrise du temps et il est en train de perdre la seconde, la maitrise de l'espace. En Ukraine, en Syrie, en Asie centrale et au Pakistan, et même en Afrique du Sud et en Amérique latine, en se trompant d'ennemi, il est en train de précipiter la grande alliance rêvée par les Chinois.
Quant aux Américains, obnubilés par leur politique d'étranglement de la Chine avec leurs projets de traités de libre-échange et de réarmement du Japon, de la Pologne et des pays baltes, ils délocalisent encore davantage leur économie en faisant construire les Boeing en Chine, par souci de faire monter le cours des actions de la compagnie en bourse.
Un jour viendra où, comme le disait Fernand Braudel, le poids de la civilisation matérielle reprendra son ascendant sur les illusions de la civilisation immatérielle.
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