La finance comme enjeu de puissance
Début mars dernier, la Banque des règlements internationaux à Bâle a émis un avertissement qui est resté largement inaperçu bien qu'il eusse dû alarmer les médias et les observateurs. Dans un rapport intitulé "Le calme apparent (des marchés) annonce des turbulences", la BRI s'inquiétait du fait que la croissance économique anémique, le colossal endettement des Etats, des entreprises et des ménages ainsi que le comportement erratique des marchés boursiers étaient en fait dus à la politique d'argent bon marché menée depuis des années par les banques centrales. Phrase toute simple mais qui renverse complètement le discours tenu jusqu'ici, à savoir que la politique de création monétaire était justifiée pour relancer l'économie. En clair: la politique des banques centrales est en train de conduire à la faillite au lieu de nous sauver !
A cela, il convient d'ajouter les ravages prévisibles, quoique jamais anticipés, de ce que notre consœur Myret Zaki décrit dans son livre sur la finance de l'ombre: 67 000 milliards de dollars créés à partir de rien par le système financier sont en train d'alimenter des fonds spéculatifs qui investissent dans toutes sortes d'instruments financiers opaques en dehors de toute instance de contrôle. L'équivalent du PNB mondial!
Que faut-il conclure de ceci? Plusieurs choses. Sur un plan purement économique, cela signifie que la prochaine crise financière est en préparation et que la bulle grossit, grossit et qu'elle finira par éclater aussi sûrement que la nuit succède au jour. Sauf qu'on ne sait pas si nous sommes à l'heure d'été ou à l'heure d'hiver. Accessoirement, on peut conclure que la politique de création monétaire entreprise depuis la crise de 1998 a manqué son but et qu'elle a même été sciemment détournée de ses objectifs déclarés - encourager la consommation finale et développer les investissements productifs des entreprises - pour engraisser les acteurs du secteur financier, en démultipliant la fortune des actionnaires et les salaires des CEO, au détriment des salariés, des fonctionnaires, des consommateurs, des jeunes en formation, bref de ceux qui travaillent et vont bientôt travailler.