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Haro sur les BRICs

Il n’aura échappé à personne que depuis deux ans, les BRICs traversent une mauvaise passe. Le taux de croissance de l’économie chinoise est descendu à 7% - ce qui reste une performance jalousée par tous les pays occidentaux – la Russie a plongé dans la récession – même si son économie tend à se stabiliser depuis le début 2016 – tandis que le Brésil s’enfonce dans la crise et l’Afrique du Sud est à la peine. Seule l’Inde tient plus ou moins bon.
Pire, à ces difficultés économiques viennent s’ajouter des turbulences politiques. Le Brésil vient d’assister à une sorte de coup d’Etat légal qui visait à écarter du pouvoir Dilma Rousseff, présidente démocratiquement élue, pour la remplacer par des politiciens accusés de corruption par la justice. En Russie, la presse et les ONG pro-occidentales redoublent d’activité à l’approche des élections parlementaires et présidentielles dans l’espoir de relancer les manifs anti-Poutine de 2012. En Afrique du Sud, le gouvernement ANC est accusé de corruption tandis qu’en Chine, c’est le contraire : son président Xi JinPing est dénoncé pour sa campagne anti-corruption ! Peu importe l’étiquette, pourvu qu’on ait l’ivresse…
Ces crises politico-économiques se sont aussi étendues à l’ensemble de l’Amérique latine, gouvernée par des régimes de gauche critiques du libéralisme jusqu’à ces derniers temps. En Uruguay, la page du sympathique Pepe Mujica est tournée depuis janvier 2015. L’Argentine a mis fin au péronisme pour s’abandonner à un dirigeant néolibéral, Mauricio Macri, qui a aussitôt renoué avec les fonds vautour et réouvert les vannes des crédits à taux exorbitant avec les banques américaines. En 2012, le parlement paraguayen a démis de ses fonctions le président élu Lugo et l’a remplacé par un vice-président néolibéral. Le Vénézuela et son président chaviste Maduro font l’objet dans la grande presse nationale et internationale pro-occidentale d’une campagne de dénigrement sans précédent qui rappelle la tentative de coup d’Etat avorté soutenu par les Etats-Unis en 2002. Les jours du gouvernement Maduro paraissent comptés. En Bolivie, au Pérou et en Equateur, les présidents indigénistes et anti-impérialistes Evo Morales, Ollanta Humala et Rafael Correa sont également menacés.
Certes, direz-vous, mais ces gouvernements ne se sont-ils pas mis eux-mêmes dans l’embarras ? Et ne sont-ils pas d’abord les victimes de la chute des prix du pétrole et des matières premières dont leurs économies sont excessivement dépendantes ? Sans doute, y a-t-il une usure du pouvoir. Quant à la chute des prix des matières premières, elle est bien réelle et elle fait très mal. Mais est-ce un pur hasard ? Un rapport du Sénat américain n’a-t-il pas établi que la seule banque Morgan Staley, avec une capacité de stockage de 58 millions de barils de pétrole à travers le monde était capable de manipuler le marché ? (Rapport « Wall Street Bank Involvement with Physical Commodities » 2013).

Sans doute faut-il n’y voir qu’une simple coïncidence, mais on ne peut s’empêcher de constater que la recrudescence des tensions économiques et politiques suit de très près les sommets des BRICS qui, en 2014, avaient décidé de s’affranchir du dollar et de la dictature des paiements SWIFT ainsi que de créer une Banque d’investissement et de développement des infrastructures alternative au FMI et à une Banque mondiale entièrement sous la coupe des Etats-Unis et de l’Europe. De même, l’empressement manifesté depuis vingt mois à conclure des accords transpacifiques et transatlantiques TTIP et TTP qui excluent formellement les BRICS et les pays d’Amérique du Sud de leur champ d’action est très suspect.
Il y a quarante ans, on nous expliquait qu’il fallait éliminer le gouvernement Allende et renverser le gouvernement démocratique argentin à cause de leur incurie économique et de la gabegie sociale. Il est permis de penser que, des décennies plus tard, le vocabulaire et les techniques de changement de régime se sont affinées pour correspondre aux goûts du public et des médias contemporains, mais que les mêmes sordides intérêts politico-économiques sont toujours à l’œuvre.

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