Le droit international est mort. Les Etats-Unis l’ont tué
de l’homme et le droit international étaient l’apanage exclusif des Etats-Unis et des grandes républiques occidentales qui s’étaient donné pour mission de les défendre contre leurs ennemis, les régimes autoritaires, les nationalistes, les mollahs. Avec l’arrivée de Donald Trump, on joue désormais à front renversé : c’est Xi Jinping qui défend la liberté du commerce contre les taxes douanières américaines et ce sont les très décriés membres de l’Axe du Mal, Chine, Iran, Russie, Cuba, Venezuela qui se mettent à promouvoir le multilatéralisme, le droit des gens et l’ONU contre la démolition de l’ordre international construit à grand peine après les deux guerres mondiales.
La place de Genève, cœur du dispositif multilatéral international, est évidemment la première à en souffrir. L’OMC, dont le système de règlement des conflits est bloqué depuis des années par le refus des Etats-Unis de remplacer les postes de juges vacants, ne peut plus fonctionner, et encore moins envisager les réformes nécessaires au développement équilibré du commerce international. Le Conseil des Droits de l’Homme, organe créé et voulu par les Occidentaux qui avaient fait des droits de l’Homme l’alpha et l’oméga de leur politique étrangère, est désormais déserté par la première puissance mondiale.
Le reste est à l’avenant, de la santé, avec les grandes fondations américaines imposant leur agenda sanitaire en Afrique sans aucune concertation avec les pays concernés, à la propriété intellectuelle, détournée afin de protéger les brevets, patentes et autres marques des grandes multinationales au détriment des pays du sud dont on pille la biodiversité.
Depuis Bush et Obama, et surtout depuis Trump, cette politique du fait accompli atteint des sommets inégalés. Désormais, l’art de la diplomatie occidentale se résume à une politique de la canonnière (attaques, bombardements et exécutions à distance par drones télécommandés) et de sanctions économiques arbitraires décidées en violation du droit international. L’internationalisation par la force du droit américain à l’ensemble de la planète sous le prétexte d’utilisation du dollar ou de services en est un autre exemple. La Suisse, qui a dû s’agenouiller devant les Etats-Unis, en a fait l’amère expérience avec l’abolition du secret bancaire et le renoncement à tous ses avantages comparatifs. En principe, les sanctions économiques relèvent du droit de la guerre, et non de la paix. Désormais, elles font partie de la panoplie habituelle de la diplomatie. Chaque semaine le Congrès ou l’Administration durcissent, ajoutent, complètent l’arsenal des sanctions contre les pays récalcitrants.
La reconnaissance de l’annexion du plateau du Golan par Israël, que le président américain vient d’acter, relève du même outrage au droit international. Elle suit de peu le transfert de l’ambassade US à Jérusalem, pourtant reconnue comme capitale des deux Etats. Alors que de nombreuses résolutions des Nations Unies condamnent cette annexion, et ont donc force de droit, les Etats-Unis s’assoient dessus dans le but de conforter leur allié israélien. Après avoir hurlé au loup et entrepris toute une cascade de sanctions contre la Russie après le rattachement de la Crimée en 2014 (pourtant validé par deux referendums populaires en janvier 1991 et mars 2014), voici qu’on entérine une annexion parfaitement illégale sans qu’aucun des commentateurs qui n’avaient pas de mots assez durs pour condamner la Russie à l’époque n’ait émis la moindre critique !
Quant à l’Europe, elle brille naturellement par sa nullité et ses contradictions. Au lieu de soutenir l’offre d’arbitrage du Mexique et de l’Uruguay, elle a bruyamment applaudi le coup d’Etat raté de Juan Guaido au Venezuela, et elle se mure dans le silence à propos du Golan au lieu de dénoncer la violation du droit.
A voir comment les uns et les autres se comportent depuis quelques années, j’ai l’impression que les meilleurs ennemis de la société ouverte ne sont pas ceux qu’on croit…