A la conquête du Grammont
Deuxième étape-Tour du Valais à pied-Tanay-Grammont-Tanay-Miex-Torgon, 24 juillet 2019
Départ à 9h06 pour monter au Grammont, montagne que je n’ai plus gravie depuis cinquante ans, lorsque j’étais au collège au Bouveret. La montée dans la forêt, à l’ombre, jusqu’à l’alpage des Crosses, est plaisante. Mais une fois les derniers arbres laissés derrière, le soleil frappe. L’eau se fait rare et n’est pas potable. Après une bonne heure de grimpe, le col des Crosses est franchi et le chemin part en faux plat jusqu’à l’arête sommitale, qui dégage une superbe vue sur le village de Saint-Gingolph et le lac Léman. On la gravit encore sur quelques centaines de mètres jusqu’à la croix et au tableau panoramique qui détaille tous les sommets visibles à 360 degrés. L’altitude, 2172 mètres, est modeste mais la vue est splendide. L’effort est plus que récompensé avec une vue plongeante sur le lac Léman et la vallée du Rhône, sur le Mont-Blanc, les Cornettes de Bise, les Combins, et de l’autre côté, sur le croissant du lac Léman, le Moléson, les crêtes du Jura, le Chablais savoyard.
Comme hier pour les fusillés de Saint-Gingolph, j’ai une pensée pour l’équipage du Lancaster anglais qui s’est fracassé contre le flanc du Grammont en juillet 1943. On nous racontait cette histoire au collège et, il y a quelques années, un gendarme valaisan établi à Genève et qui avait retrouvé l’épave sur les flancs de la montagne, m’avais donné quelques fragments du fuselage qui sont toujours sur mon bureau. Les ailes et la structure du bombardier n’ont pas disparu. Seuls les moteurs et l’équipement ont été récupérés pendant la guerre. Touché par un tir de DCA et privé de visibilité à cause d’un orage, le pilote a semble-t-il perdu le cap et précipité l’avion sur la montagne avec sa cargaison de bombes et de fuel. Les six membres d’équipage reposent au cimetière de Montreux, juste en face. La même nuit, un autre bombardier anglais du même groupe a subi le même sort sur les hauts de Thyon.
La descente du Grammont se fait sans histoire et, vers 13h30, je peux piquer une tête dans le lac de Tanay, toujours aussi rafraîchissant, et faire une petite sieste avant d’entamer la dernière étape de la journée.
A Miex, le chemin qui mène à Torgon part sur la droite et chemine à flanc coteau au milieu des bois, longe un alpage, puis entre dans une forêt assez dense et pentue. Ça monte et ça descend, on franchit quelques passages délicats, avec câbles, échelles et chaînes, sans âme qui vive maintenant. Soudain, petit miracle, des framboises et des fraises des bois s’offrent à profusion, par kilos entiers, dans une zone humide juste au bord du chemin. J’avais oublié le goût de la framboise sauvage: quelle merveille !
Après deux bonnes heures, la station de Torgon se profile derrière une crête. Encore une demi-heure et j’arrive au cœur de la station, vers le seul hôtel, qui affiche complet. Je m’apprête à passer la nuit à la belle étoile quand la patronne, une Hollandaise pleine de ressources se ravise et me propose un matelas dans une ancienne salle à manger inoccupée. Un confort inespéré et un vrai plaisir dans cette nuit chaude, sans la moindre brise. La fatigue aidant, après un repas consistant et quelques verres de gamay, le sommeil ne se fait pas trop désirer.