Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L’OMPI, enjeu d’une bataille mondiale

La semaine prochaine, les 83 ambassadeurs du comité de coordination de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle vont désigner le candidat qui sera appelé à la diriger dès le 1er octobre. Six candidats (un Singapourien, une Chinoise, une Kazakhe, deux Sud-Américains et un Ghanéen) sont encore en lice.
Les enjeux sont énormes et donnent lieu à une bataille d’une férocité inouïe entre les Occidentaux, menés par les Etats-Unis, qui ont pris fait et cause pour le candidat singapourien, Daren Tang, censé représenter les pays en développement au grand dam de ceux-ci, Singapour n’ayant plus rien d’un PVD, et la Chine, représentée par Binying Wang, qui travaille depuis des décennies à l’OMPI dont est la Numéro 2 depuis dix ans. Récemment, des articles de John Bolton, ancien responsable du Conseil de sécurité de Donald Trump, et de Peter Navarro, son conseiller au commerce, ont déclaré la guerre à la candidate chinoise en termes très violent. Le ministère des affaires étrangères chinois a répliqué vertement en dénonçant les manœuvres de sabotage américaines.

Or dans son dernier rapport sur les indicateurs de la propriété intellectuelle, l’OMPI confirme le spectaculaire dynamisme chinois. Avec 1,5 million de patentes déposées en 2018, soit près de la moitié du total mondial, elle fait trois fois mieux que les Etats-Unis. Même chose pour les applications industrielles, les marques, les designs et les variétés végétales. Mieux, elle affiche un taux de croissance à deux chiffres dans tous ces domaines alors que ses concurrents stagnent ou régressent. (La Suisse arrive au 9e rang mondial). On voit mieux pourquoi il s’agit de lui barrer la route. Quant aux pays en développement, majoritaires, ils sont maintenus en marge.
D’autre part, il s’agit de l’organisation internationale la plus riche d’un système onusien sur la paille. Avec 1300 employés, un budget annuel de 800 millions de francs et une cagnotte de 400 millions, les appétits s’aiguisent ! Enfin, il s’agit d’une organisation traumatisée par des années de luttes internes féroces, un personnel en révolte contre l’autoritarisme de son directeur actuel, efficace mais peu empathique, trop occupé à arbitrer les intérêts occidentaux sans trop vexer les Chinois et à se ménager une porte de sortie dans l’espoir de conserver un strapontin pour l’avenir. Un chiffre dit tout : sous son règne, le nombre de directeurs est passé de 42 à 76 (un pour 20 personnes !) et celui des super-hyper-directeurs à 8… Il y a donc urgence à faire un peu moins de politique et un peu plus de management.
Qui va gagner ? En termes d’influence, le Singapourien peut compter sur les Etats-Unis et l’Union européenne (un quart des voix), mais ses compétences sont sujettes à caution. La Chinoise est incontestablement la plus qualifiée, mais, même si la diplomatie chinoise s’active, elle doit faire face à une énorme résistance, surtout en ce moment de crise sanitaire. Reste un troisième candidat, qui sort peu à peu du lot depuis quelques semaines et pourrait mettre tout le monde d’accord, le Ghanéen Edward Kwakwa. Diplômé de Yale, soutenu par l’Union africaine, il connait la maison puisqu’il y dirige le département des savoirs traditionnels. Il est apprécié du personnel et pourrait surtout éviter un clash dévastateur entre grandes puissances. Dans le contexte actuel, il serait de loin l’alternative la plus raisonnable. Si la raison l’emporte…

Les commentaires sont fermés.