Chute et bâton cassé sur le chemin de croix de Saint-Nicolas
24e étape - Gruben – Augsborgpass – Junggu - Saint-Nicolas – Samedi 4 juillet 2020
Sur le chemin qui monte au col d’Augsborg, pas âme qui vive. Une fois arrivé sur le haut du vallon, on dirait la Sibérie ou la planète Mars. Il faudra trois heures de bonne montée pour atteindre le col et une heure de redescente de l’autre côté avant de croiser les premiers groupes de randonneurs, accompagnés d’un guide. Soit dix personnes en huit heures.
Couvert au départ, le ciel s’est dégagé et la vue est superbe, de part et d’autre du col. Sur le versant zermattois, les névés sont encore nombreux et je n’ose tenter une glissade sur les fesses pour gagner du temps. La fin de course dans les pierriers risque d’être rude.
Vers 13 heures, un petit lac aux eaux cristallines m’offre son hospitalité pour la pause déjeûner. Toujours personne. Vers 13h30, j’entends des voix et aperçois des silhouettes sur le sentier qui monte de Saint-Nicolas, sur le versant sud du vallon. C’est un groupe de jeunes Romands partis de Stalden en début de matinée. Un autre groupe et quelques randonneurs individuels les suivent de près. Plutôt de prendre sur la gauche en direction de Törbel et Embd, je me dirige sur la droite à travers des pierriers et des névés qui mènent au belvédère du Mont Twära qui offre un superbe point de vue sur la vallée de la Viège et les alpes haut-valaisannes. De l’autre côté, il s’élargit pour emprunter une sorte de voie romaine faite de grandes dalles planes, qui semble mener jusqu’au Weisshorn. Mais l’illusion ne dure pas. Très vite le sentier plonge dans la vallée, redevient escarpé et descend interminablement à travers alpages et forêts. Après deux heures, on atteint le hameau de Jungu, relié à Saint-Nicolas par un petit téléphérique.
Il fait chaud, le soleil tape dur et je m’offre quelques sorbets à la buvette avant d’attaquer les 800 derniers mètres de dénivelé. Le chemin est rude, la chaleur et la fatigue intenses, et le moral en berne. Après dix minutes de marche seulement, mon pied heurte une pierre et je m’étale de tout mon long sur les cailloux : rien de cassé, quelques égratignures à une jambe. Mais un des bâtons s’est brisé net dans la chute. Il va falloir descendre le reste du chemin avec un seul bâton, en tenant les débris de l’autre à la main, tandis que les cabines du téléphérique à moitié vides se dandinent à quelques dizaines de mètres...
D’ailleurs la chance finit par me sourire. Peu avant d’arriver à Saint-Nicolas, j’avise au bord du chemin une branche de mélèze fine et droite qui fera un excellent bâton. Clopin-clopant, avec mes bâtons dépareillés, j’arrive à Saint-Nicolas et rejoins mon hôtel, la Réserve, qui n’a pas autant d’étoiles que celle de Genève, mais dont le patron à qui je raconte mes mésaventures du jour, m’offre l’apéro et une grande bouteille de Rivella. Les Haut-Valaisans savent ce qu’il peut en coûter quand on fait l’effort de venir les trouver à pied. Le soir, sur le balcon de ma chambre, je me taille un superbe bâton de mélèze avec mon couteau suisse…