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Trump: une indignation justifiée mais hypocrite

La prise d’assaut du Capitole par une bande d’émeutiers pro-Trump a suscité une vague d’indignation générale en Occident. Pendant quinze jours, c’était à qui hurlerait le plus fort pour dénoncer une tentative de coup d’Etat, un coup de force néonazi et suprémaciste, une attaque inqualifiable contre la démocratie. On s’en est réjoui. Il était temps, dirais-je même.

On espère que ces belles âmes resteront éveillées pendant l’ère Biden.

Car jusqu’ici ces farouches justiciers, ces vaillants défenseurs de l’ordre démocratique ont surtout brillé par leur silence. Pourquoi n’ont-ils pas rappelé que les premiers à avoir contesté la légitimité de Donald Trump ont été les démocrates ? Pourquoi se sont-ils tu quand ceux-ci, aussitôt après leur défaite de 2016,ont monté en épingle l’histoire de l’usine à trolls russe, puis diligenté une enquête contre le président sortant qui n’a rien donné (le rapport Mueller) et enfin provoqué une première tentative de destitution qui a elle aussi échoué ? La violence des attaques dont Trump a été l’objet durant l’entier de son mandat n’a-t-elle pas fortement contribué à chauffer à blanc ses supporters ?

Et pourquoi ces mêmes défenseurs de la liberté n’ont-ils rien dit quand, en janvier 2019, un président de Parlement élu par hasard à ce poste se proclame président de son pays au nez et à la barbe du président légal et reçoit aussitôt le soutien empressé des dirigeants et de la presse démocratiques ? Je veux parler de Juan Guaido, au Vénézuela, aujourd’hui renvoyé à ses études.

Pourquoi n’a-t-on pas bougé le moindre cil quand, fin 2019, le président légalement et honnêtement élu de Bolivie – c’est aujourd’hui un fait reconnu – a été littéralement renversé par un coup d’Etat d’extrême-droite qui l’a obligé à fuir avant que de nouvelles élections reconfirment la victoire éclatante de son parti à la fin de l’an dernier ? Je veux parler d’Evo Morales en Bolivie.

 

Pourquoi n’a-t-on pas bronché lorsque des activistes soi-disant pro-démocratie soutenus par les Etats-Unis et financés par des ONG américaines ont vandalisé le parlement de Hong-Kong en juin 2019, dans une émeute qui n’avait rien à envier à celle du Capitole ?

Pourquoi s’est-on immédiatement empressé de reconnaitre l’élection de Svetlana Tikhanovskaya aux élections présidentielles d’août 2020 en Biélorussie sans qu’on sache si elle avait réellement gagné? Pourquoi ne pas rappeler que le président en poste – un autocrate certes – a toujours bénéficié d’un soutien populaire avéré, comme on peut le constater aujourd’hui après l’échec d’un mouvement protestataire largement soutenu de l’extérieur?

Pourquoi la presse et les dirigeants européens continuent-ils à ignorer les massacres dont font l’objet par centaines les militants de gauche et les défenseurs des droits de l’Homme en Colombie ? Pourquoi n’ont-ils pas protesté et infligé des sanctions au président salvadorien qui a fait intervenir la troupe au parlement pour qu’il vote des crédits militaires en février 2020 ? Pourquoi reprocher à la justice russe d’incarcérer pendant un mois Alexei Navalny pour lui avoir désobéi et s’être tu quand la justice britannique a usé du même prétexte pour emprisonner Julian Assange pendant deux ans dans un quartier de haute sécurité ?

Enfin, et je m’arrête là pour ne pas rallonger la liste, pourquoi s’insurge-t-on avec tant d’éclat contre les néonazis, les QAnon et autres affreux suprémacistes qui ont occupé les rues et le parlement américains le 6 janvier et n’a-t-on pas émis la moindre remarque quand des bataillons de néonazis ont défilé dans les rues de Kiev en 2017 en criant « Juifs dehors » et ont récidivé à Lviv au début de cette année? Seuls des journaux israéliens et des organisations juives ont protesté contre cette infamie. En Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis, silence radio.

Toutes ces questions sans réponse n’enlèvent rien à la légitimité des réactions qui ont suivi les événements du Capitole, je le répète. J’admets aussi que cet inventaire à la Prévert puisse déranger. Mais quand on prétend défendre les libertés et la démocratie, on ne peut pas jouer les hypocrites. On ne peut pas les invoquer à la carte, s’indigner contre une menace ici et tolérer une attaque là. On ne peut pas fermer les yeux quand les dérives surviennent chez nous, les « gentils », et se réveiller seulement quand elles proviennent du camp d’en face, celui des présumés « méchants ».

Les principes de liberté et de démocratie ne s’appliquent pas en fonction des sympathies et des antipathies, ils sont ou ne sont pas.

 

 

 

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