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L’art de perdre 2000 milliards de dollars

 

Les milieux économiques occidentaux, qui ne se privent pas de dénoncer les inconséquences des politiciens et des Etats, seraient-ils soudain devenus muets lorsqu’il s’agit de critiquer le gaspillage monstrueux de ressources qu’a constitué la guerre menée par la coalition euro-américaine en Afghanistan pendant vingt ans ?

2000 milliards de dollars, c’est pourtant le chiffre officiel des dépenses effectuées pour un conflit qui n’a abouti à rien, si ce n’est à un désastre financier, militaire et politique. Et qu’on ne vienne pas dire qu’il s’agissait d’assurer notre sécurité, puisque celle-ci sort plus affaiblie que jamais de cette aventure.

Dans les parlements, on mégote sur chaque milliard versé ou à verser pour venir en aide aux entreprises et aux indépendants victimes de la pandémie. On s’écharpe pour rogner les dépenses et réduire des prestations sociales jugées sans cesse excessives et dangereuses pour l’économie. On palabre pendant des mois pour décider de quelques timides mesures de lutte contre les seules menaces sécuritaires qui vaillent, celles du réchauffement climatique et de la destruction accélérée de la nature. On s’alarme à grands cris du poids de la dette dès qu’une dépense d’intérêt collectif est en jeu. On refuse d’accueillir les réfugiés de nos guerres à cause de leurs coûts. On s’inquiète du sous-financement de l’innovation et de la recherche.

 

Mais quand il s’agit d’élever la voix pour dénoncer l’un des plus grands gaspillages de tous les temps, générateur d’un endettement colossal, l’économie ne trouve rien à redire.  Il serait pourtant temps qu’elle donne de la voix et remette à leur place les va-t-en-guerre, les ténors de l’impérialisme à l’ancienne, les exportateurs frauduleux de « libertés et de droits de l’Homme » à des pays qui n’ont rien demandé, et qu’elle s’insurge contre les subventions déguisées et les distorsions de concurrence en faveur de l’industrie d’armement au détriment des autres secteurs économiques. Quand il s’agit de s’attaquer aux subventions aux paysans, on ne prend pas tellement de gants ! Selon Public Citizen, pendant les 20 années de guerre en Afghanistan, les actions de Lockheed Martin ont rapporté 1236 %, les Northrop Grumman 1196%, Boeing 975%, General Dynamics 635% et Raytheon 331%.

Car il n’y a pas de raison de limiter ses critiques aux gaspillages et à la mauvaise gestion étatique des dépenses publiques en matière de social et d’écologie si on laisse les lobbies des industries d’armement régner en maîtres.  

D’autant plus que les chantiers urgents ne manquent pas. Aux Etats-Unis, mais c’est aussi vrai en Allemagne, on laisse tomber les infrastructures publiques en décrépitude parce qu’on rechigne à leur consacrer le moindre financement public. On réduit les lits d’hôpitaux et on continue à démanteler l’hôpital public même en temps de pandémie, etc.

Si les Etats-Unis avaient dépensé leurs 2000 milliards de dollars pour financer la transition énergétique, lutter contre le réchauffement et aider les peuples du sud à se développer par eux-mêmes plutôt qu’en y débarquant des GIs et des Humvee, ils n’auraient pas eu à subir cette défaite. Ils auraient au contraire renforcé à la fois le libéralisme et leur leadership.

 

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