La sécurité contre paix civile
En votant l’inscription de l’état d’urgence et de la déchéance de la nationalité dans la constitution, la France vient donc de rejoindre les Etats-Unis, la Chine et la Russie dans la liste des Etats qui font passer la sécurité avant les libertés. Du Patriot Act à la répression des islamistes ouïgours ou tchétchènes, la fièvre sécuritaire empoisonne aussi les organes des Etats qui s’enorgueillissent d’être parfaitement libres et démocratiques.
C’est inquiétant.
En tout premier lieu, parce qu’il s’agit d’une défaite, dans la mesure où, en consacrant la possibilité d’un régime d’urgence sécuritaire comme un des fondements de la nation, on renonce au vieil objectif de paix et de concorde civile qui était à la base du contrat social et de la relation entre l’Etat et le citoyen. La paix et la sécurité sont en effet deux choses très différentes : la paix civile a pour principe une société pacifiée et sans arme tandis que la sécurité est une paix armée au mieux ou une guerre sans batailles au pire. La sécurité est donc le résultat d’un échec et d’une capitulation : l’objectif de la paix étant reconnu hors d’atteinte, on place la nation dans une sorte d’état de guerre permanent, même si c’est de basse intensité.
On peut difficilement considérer cela comme un progrès. Il s’agirait plutôt d’un retour au Moyen-Age, aux temps des condottiere, de la piraterie et des bandits de grand chemin.