Le commerce comme arme de guerre
Paix, prospérité, liberté, démocratie : c’est sous ces beaux atours qu’on a justifié la mondialisation depuis trente ans. Le libre-échange et le commerce des biens, des services, mais aussi des valeurs et des idées, allait nous apporter le bonheur et nous sortir de la mortifère confrontation de la guerre froide.
Pendant les années 1990, ces belles croyances ont triomphé sans partage. Puis les années 2000, avec leur cortège d’attentats et de guerres d’invasion (Afghanistan, Irak) ont semé un doute. Jusqu’à ce que la décennie 2010, suite à la crise de 2008, à la multiplication des interventions armées (Libye et Syrie notamment), à la montée des mouvements de protestation et des populismes et à la rivalité croissante entre les Etats-Unis ne la Chine vienne doucher ce bel enthousiasme.
Après les turbulences des années Trump et l’arrivée de la présidence Biden, le monde occidental, même bousculé par la pandémie, espère reprendre ses petites affaires comme avant. On ressort des placards les vieilles antiennes sur la défense des libertés et des droits de l’homme, les vertus du libre-échange et de la coopération multilatérale. Il s’agit de galvaniser les troupes et d’essayer de reconstituer la sainte alliance contre les ennemis de l’ordre et de la paix internationale, Iran, Chine, Russie et leurs alliés.
C’est oublier qu’entretemps, à l’extérieur du camp occidental aussi bien qu’à l’intérieur, le public a cessé de se bercer d’illusions. Il n’est plus dupe du modèle qu’on lui propose (ou de la propagande dont on l’inonde).
Il est de plus en plus conscient de ce que certains experts onusiens et intellectuels critiques, notamment aux Etats-Unis, appellent la « weaponization » des valeurs. Le mot se traduit imparfaitement par militarisation. Il s’agit en fait de la transformation des principes fondateurs de l’Occident en armes de destruction massive.