Le G20 et la nouvelle gouvernance mondiale
Les commentaires qui ont suivi le G20 de Londres ont été plutôt mitigés. A l’étranger, on a beaucoup insisté sur le côté patchwork des mesures prises, qui venaient confirmer des promesses déjà faites sans apporter de réelles nouveautés. En Suisse, les yeux des médias étaient rivés sur les différentes listes noire, grise et blanche censées cataloguer les paradis fiscaux en fonction de leur degré de coopération avec les grandes puissances. On peut pourtant tirer au moins deux enseignements intéressants de cette réunion pas tout à fait comme les autres.
Sur le plan économique d’abord. Comme l’a fait remarquer le secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement Supachai Paitchpakdi (ancien vice-premier ministre de Thailande pendant la crise asiatique de 1997 et ex-patron de l’OMC), c’est la première fois dans l’histoire économique que les leaders représentant 80% de l’économie mondiale se réunissent pour tenter d’apporter une solution commune à une crise. Même si le chœur n’a pas chanté parfaitement à l’unisson, il a chanté, et c’est une première. Car en l’occurrence, ce qu’il faut entendre, ce n’est pas le son des instrumentistes, qui ont chacun leurs motivations propres, ni même les arrangements de la partition (il y a à boire et à manger dans les plans de mesure), mais la petite musique qui s’en dégage et qui a pour effet de rassurer, de reconstruire un début de confiance dans un univers en déroute. Or la confiance est le carburant indispensable d’une économie saine. Les marchés ont d’ailleurs immédiatement réagi et se sont repris. Ce qui ne veut pas dire qu’ont a touché le fond et qu’une nouvelle baisse est exclue. Mais on sait désormais qu’il y a un pilote, et même 20 pilotes, à bord du vaisseau de l’économie mondiale et qu’ils sont prêts à se mettre aux manœuvres si une nouvelle tempête menace.
Second enseignement, ce sommet a créé l’embryon d’une gouvernance mondiale. On est certes très loin du gouvernement mondial souhaité par Jacques Attali et les utopistes de gauche. Mais il existe désormais une instance multilatérale qui transcende les rêves d’empire (gouvernement d’un seul concentré autour de l’hyperpuissance américaine), d’oligarchie (le partage du pouvoir entre blocs concurrents (Union européenne, Chine, Etats-Unis) ou d’anarchie (la situation d’atonie générale qu’on a vécue ces six derniers mois). Certes, cette idée de gouvernance mondiale fait frémir le monde financier et les entreprises multinationales qui craignent comme la peste l’intervention du politique dans leurs affaires. Mais la crise a fait la preuve que l’absence de régulation, ou l’inadéquation de la régulation, pouvait conduire à des résultats encore pires qu’une intervention de l’Etat. On s’achemine donc vers une redéfinition de l’intérêt général et des intérêts particuliers, vers un nouvel équilibre entre marché et pouvoir politique. Personne ne sait encore où se trouvera la frontière et chacun va maintenant s’activer à définir son tracé. Mais le fait qu’on est désormais en train de reconstruire une nouvelle architecture mondiale est la meilleure nouvelle qui puisse nous arriver.