Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le spectre d'un monde coupé en deux

On a déjà écrit beaucoup sur la conférence de suivi de Durban contre le racisme et l’intolérance, les outrances du président iranien Ahmadinejad, la colère d’Israël, le boycott des Etats européens et le sauvetage inespéré de la conférence par le vote unanime d’une déclaration finale qui fait malgré tout avancer la cause de l’anti-racisme. Je n’y reviendrai pas.

Mais il est un point sur lequel il me semble important d’insister, c’est la fracture qui a coupé le monde en deux, la césure qui a pendant quelques heures séparé l’Occident du reste du monde et qu’on a physiquement ressentie lors du discours du président iranien.

Contrairement à ce qu’on a pu dire sous le coup de l’émotion, le discours d’Ahmadinejad a été habile, et donc d’autant plus dangereux. Le despote iranien a en effet évité de nier l’Holocauste et d’exiger l’éradication de l’Etat d’Israël. Il a dressé un parti de l’histoire du colonialisme, de l’esclavagisme puis de l’impérialisme occidental et de leurs cohortes de souffrances et de massacres pour les populations opprimées, pour conclure qu’Israël appliquait les mêmes méthodes vis-à-vis de la population palestinienne. Or cette partie-là du discours iranien, aussi désagréable soit-elle à nos oreilles, fait mouche. Elle touche juste, et de nombreux applaudissements l’ont saluée, pas seulement parmi les suppôts du régime des mollahs. Aussi, quand les Européens ont quitté la salle quand les  bornes furent franchies en traitant Israël d’Etat raciste, il était difficile de ne pas éprouver un profond malaise : plus un seul visage blanc dans la salle, à part quelques Suisses et Norvégiens épars, tandis que des centaines d’Asiatiques, d’Africains, de Sud-Américains, d’Océaniens, d’Arabes continuaient à écouter les propos d’Ahmadinejad. Spectacle sidérant, qui semblait préfigurer un monde irrémédiablement coupé en deux et dans lequel, par son absence et son refus d’accepter la critique de son passé, l’Occident se mettait dans son tort.

Heureusement, les dérapages du président iranien l’ont discrédité et aucune délégation ne l’a suivi, la conférence finissant par adopter à l’unanimité le texte convenu. Mais que se serait-il passé s’il était resté dans les limites du convenable ? S’il avait réussi à convaincre les pays musulmans et leurs soutiens africains à revenir sur les concessions qu’ils avaient faites en supprimant du texte les références à Israël et l’article sur la diffamation des religions ? S’il avait surfé sur l’humiliation ressentie par ces pays qui se sont vu opposer le boycott du Canada, des Etats-Unis, de l’Allemagne et d’autres pays occidentaux alors même qu’ils avaient accepté toutes conditions exigées par le camp occidental pour participer à la conférence ?

A vrai dire, on a frisé la catastrophe et il s’en est fallu de peu pour que le pire advienne et que le monde ressorte irrémédiable blessé, frustré et divisé de cette rencontre. La chance y a contribué. Mais il serait bon, à l’avenir, d’éviter de remettre le sort de la civilisation au hasard.

 

Les commentaires sont fermés.