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Antisémitisme inconscient ou volontaire?

J'ai horreur des donneurs de leçons et, depuis 30 ans que j'exerce le métier de journaliste, j'évite d'en donner, même à mes confrères. Mais dans le Matin Bleu d'hier, j'ai trouvé un titre qui m'a fait bondir: "Le juif Bernard Madoff a été le Ben Laden de la finance". En une phrase, le journal a réussi à blesser deux fois la dignité juive et au moins une fois à succomber à cet antisémitisme sot, et qui passerait presque inaperçu tant il semble anodin.

La blessure d'abord: comparer Madoff à Ben Laden en reprenant à son compte la thèse pour le moins discutable d'un livre relève non seulement de la malhonnêteté intellectuelle mais de l'insulte pure et simple. Peut-on mettre sur le même plan un assassin qui a fait des milliers de morts et un vulgaire escroc, fût-il de haut vol ? Non, bien sûr, sinon la morale et la justice n’auraient plus de sens. Mais c’est pourtant ce qui a été fait.

L’antisémitisme ensuite : pourquoi parler du « juif Madoff » ? En quoi cette épithète est-elle utile au débat sinon pour stigmatiser, marquer au fer rouge, nuire en créant un amalgame entre Bernard Madoff et l’ensemble des juifs ? Parle-t-on du protestant (ou du catholique) Marcel Ospel pour critiquer celui qui a coulé l’UBS et fait perdre des milliards aux contribuables suisses ? Non. D’ailleurs, on ne sait même quelle est sa religion, preuve que ce critère ne joue un aucun rôle dans sa pitoyable gestion. Mais pourquoi alors souligner l’appartenance religieuse de Madoff ? En l’occurrence, l’adjectif juif accolé à Madoff joue le même rôle que le port de l’étoile jaune dans les années 1930 : elle sert à désigner une catégorie de gens à la vindicte populaire et joue sur le fait que ceux-ci sont très mal placés pour se défendre parce qu’on les suspecterait de défendre quelqu’un qui a commis un crime.

Ce n’est pas à l’honneur de la presse que de jouer ce triste jeu et il me semble, une fois tous les 30 ans, nécessaire de le rappeler.

 

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