Pour une nouvelle gouvernance de la région
J’ai le plaisir d’ouvrir les Premières assises transfrontalières franco-valdo-genevoises et, au nom du Grand Conseil de la République et canton de Genève, vous souhaite la bienvenue.
Avant toute chose, j’aimerais remercier les deux coprésidents de ces assises, M. Etienne Blanc, député, maire de Divonne et président du Syndicat mixte de l’ARC qui rassemble les élus français des territoires limitrophes de Genève, et M. Laurent Chappuis, président du Grand Conseil du canton de Vaud, sans le soutien desquels cette assemblée n’aurait pu avoir lieu.
Le 7 décembre dernier, peu après le vote favorable des Genevois pour le CEVA et à l’occasion de la prestation de serment du Conseil d’Etat, nous avions en effet souhaité élaborer un nouveau projet de gouvernance pour la région franco-valdo-genevoise en construction. Cette région, on le sait, c’est 800 000 habitants et une centaine de communes de part et d’autre des frontières genevoises, et c’est deux cantons, deux départements et deux pays.
Notre région, c’est aussi et d’abord un immense succès, avec des créations d’emplois parmi les plus nombreuses de Suisse et d’Europe, avec des implantations d’entreprises, un potentiel technologique, des universités et des services de pointe reconnus dans le monde entier. C’est aussi une notoriété internationale et une qualité de vie parmi les meilleures du monde.
Mais notre région, c’est aussi des problèmes à résoudre. Un tel dynamisme ne va pas sans créer des tensions, des déséquilibres, des dommages aussi, qu’il revient à nous autres élus de reconnaître, d’identifier et, bien sûr, de résoudre.
Répertorier les atouts mais aussi les difficultés propres à notre région, tel est le premier objectif que nous avons assigné à ces assises. Ces difficultés sont déjà connues: disparités économiques, avec le logement qui tend à se concentrer du côté français et vaudois, et les emplois qui se condensent sur Genève; organisation du territoire, avec de vastes espaces du côté français et vaudois, et des terrains très rares sur Genève; disparités sociales et de revenus aussi, qui peuvent peser sur les emplois et les salaires; difficultés de transport, avec la multiplication des mouvements pendulaires qui affectent la qualité de vie des résidents; tensions politiques également, avec la montée en puissance des mouvements anti-frontaliers; insécurité croissante due à l'ouverture des frontières, etc. Nos travaux ont notamment pour but de dresser l'inventaire, sans contrainte d’ordre politique, juridique ni géographique, des défis très concrets et très pratiques que nous avons à relever si nous voulons réussir à édifier une agglomération franco-valdo-genevoise harmonieuse et intégrée. Les deux ateliers consacrés à la « région au quotidien » seront donc dévolus à ce catalogue et, si possible, à l'esquisse des premières solutions.
Le second objectif concerne la gouvernance à mettre en place pour résoudre les problèmes ainsi identifiés. Dresser le catalogue des difficultés, c’est indispensable; créer le système et la procédure qui permettront de les résoudre, c’est encore mieux. On le sait, le fait que nous nous trouvons à cheval sur deux pays rend les choses très compliquées. Entre le fédéralisme très éclaté des Suisses et le centralisme républicain cher à la France, le chemin vers des institutions communes qui nous permettraient de piloter notre agglomération reste long et semé d’embûches. Mais il existe.
Enfin, ces assises ont pour ambition d’entamer une réflexion pérenne sur les développements futurs de la région et de devenir, peu à peu, l’instance politique privilégiée de discussion des questions dont le nombre ira croissant à l’avenir, au fur et à mesure que l’intégration s’accélérera. Il est nécessaire de faire monter la construction de la région sur la scène politique. La région n'est pas qu’une affaire d'experts, qui serait dirigée de loin par des technocrates ou des gouvernements centraux qui ont bien d’autres soucis. Elle est aussi et peut-être d’abord l’affaire des élus locaux. Sa mise en place comme sa gestion doivent être assurées de façon démocratique. Les diverses sensibilités politiques, les partis, les syndicats et les élus doivent être associés à la construction et à la gouvernance.
C'est ainsi que ces assises devraient s'inscrire dans le paysage institutionnel de notre région et trouver leur place aux côtés du Comité régional franco-genevois, le CRFG, dont la composition et les compétences devraient peu à peu être redéfinies vers des tâches plus exécutives. Un nouveau territoire exige une nouvelle gouvernance, et cette nouvelle gouvernance exige aussi de nouvelles ressources. Impossible de construire la région si on ne la dote pas de ressources financières adéquates, voire d'une fiscalité propre.
On le voit, ces assises ont pour rôle d'aborder tous les sujets, y compris ceux qui fâchent, sans œillères ni préjugés, car c'est seulement ainsi que nous avancerons. La tâche est immense mais elle est exaltante.