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Non au terrorisme du courriel

On parle beaucoup et on se mobilise à grands renforts de milliards contre le cyber-terrorisme, l’islamo-terrorisme, le narco-terrorisme ou que sais-je encore. Mais que fait-on contre le terrorisme qui nous veut du bien, le terrorisme du courriel censé mettre les choses au point et qui met le feu aux poudres ? Ne coûte-t-il pas bien plus cher en stress, en surmenage et en absentéisme que les attaques de pirates et d’Anonymous contre des sites militaires ou d’entreprises ?
Dimanche dernier, je m’apprêtai à entamer une promenade bien méritée lorsque bing ! un courriel furieux et comminatoire d’un correspondant qui avait sans doute mal digéré son repas dominical me somma de répondre toutes affaires cessantes à ses questions tourmentées. Et voilà un dimanche gâché.
Rien de plus banal, direz-vous. Ce genre d’incidents arrive par millions sur la toile et se produit 4,5, 10 fois dans une journée de travail. Mais doit-on accepter de se laisser pourrir la vie par l’aigreur de ses chefs, de ses collègues, de ses relations sans réagir ? Le courriel, qui a une capacité illimitée de se transformer en pourriel même avec les meilleures intentions du monde, inquiète sérieusement les administrations et les entreprises qui commencent à édicter des règlements pour protéger leurs employés en dehors de leur temps de travail.
Et la question se pose : faut-il réglementer l’usage du courriel et délivrer, comme pour la pêche et la conduite automobile, des permis d’emailer ? C’est en tout cas ce que suggère Fernando Lagrana, haut-fonctionnaire de l’UIT et enseignant à l’Université Webster de Genève, dans la thèse qu’il vient de publier à Grenoble.

Il répertorie sept comportements fautifs dans l’usage du mail. Péché No 1 : la douce exubérance, qui consiste à multiplier les courriels inutiles à un nombre de destinataires illimité, par exemple pour dire « merci » à quelqu’un en faisant copie à tous. Péché No 2 : l’identité mêlée, qui sème la confusion entre les sphères privée et publique et fait qu’on consulte ses photos de famille au bureau et qu’on répond aux messages professionnels pendant les repas de famille. Péchés No 3. La froide indifférence, de plus en plus pratiquée par les chefs abusifs, qui utilisent le mail pour asseoir leur pouvoir, inclure ou exclure des collaborateurs de leurs listes, faire le mort et ignorer sciemment certaines demandes, etc. Péché No 4 : la colère enflammée ou l’insulte à l’occasion des débats et des discussions en ligne. On s’échauffe seul dans son coin et on finit par vomir son interlocuteur en prenant tout le monde à témoin. Péché No 5 : la vérité perdue et l’art de manipuler : rien de plus facile que d’altérer une liste ou un document, de pécher par omission, soustraction ou addition. Péché No 6 : l’ambiguïté coupable, pratiquée par les utilisateurs qui font exprès de rester ambigus ou font semblant de ne pas comprendre un message et répondent évasivement pour ne pas avoir à prendre de décision ou de position. Péché No 7 : la porte des secrets, qui consiste à violer la sphère privée de ses collègues ou de ses collaborateurs en lisant leurs messages en secret ou via le service informatique maison.
On conviendra que l’inventaire est assez exhaustif et chacun devra reconnaître qu’il a, peu ou prou, à des degrés divers, enfreint le code de bonne conduite du courriel. Quitte à se mettre à dos tous les partisans d’un internet libre et sans contrôle, Lagrana constate que ces fautes sont la plupart du temps imputables à un manque d’expérience des utilisateurs et que la pratique du mail, réservée d’abord au milieu scientifique, s’est généralisée sans établir de règles d’usage. Il rappelle donc que le courriel n’est pas le seul et unique moyen de communiquer avec ses frères et sœurs humains et que la parole, le contact direct, les réunions, les courriers physiques, le téléphone, peuvent aussi s’avérer utiles dans certains cas. Et il suggère que les entreprises et les administrations se dotent peu à peu d’une politique en matière de technologies de l’information.
Je ne suis pas un fanatique des règlements. Mais si un code de l’usager, comme celui de la route, pouvait nous éviter de gâcher nos loisirs tout en nous permettant de communiquer librement avec qui et quand nous voulons, pourquoi pas ?
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