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Le 1er Août, l’initiative Weber, les barrages et les Gitans

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus communaux,
Citoyennes et citoyens d’Evionnaz, chers amis, bienvenue à cette célébration du 721e anniversaire de notre pays

Je tiens tout d’abord à vous dire de tout le plaisir et le grand honneur que vous m’avez fait en m’invitant à venir célébrer notre Fête nationale à Evionnaz, ma commune d'origine, dans laquelle réside toute ma famille.

L’esprit qui inspirait nos pères fondateurs et que l’on retrouve merveilleusement illustré dans le Pacte de 1291, c’est celui de la communauté des valeurs et de la solidarité face aux dangers et aux aléas de la vie. Ce qui nous unit, c’est la volonté de vivre ensemble avec nos différentes langues, cultures, religions et origines géographiques. Citadins ou campagnards, romanches ou francophones, catholiques ou protestants, suisses de vieille souche, naturalisés de fraîche date ou simples immigrants venus de loin pour s’établir dans notre pays, nous partageons tous le sentiment et la conviction de partager un destin commun. Mieux, ce destin, nous savons que nous pouvons le décider et le construire ensemble et qu’il ne nous est pas imposé de l’extérieur par un gouvernement que nous n’avons pas choisi.

C’est pourquoi il nous a fallu tant de temps pour faire notre pays, pour lui donner ses institutions, et pour le doter d’un fête nationale qui soient communes à toutes et tous malgré nos différences. Ce bien est précieux, et nous devons le conserver face à tous ceux qui voudraient le sacrifier au nom des passions ou des intérêts éphémères du moment.

Car il ne faut pas nous leurrer. Cette solidarité et cette unité confédérale ne vont pas toujours de soi et engendrent parfois des tensions qu’il nous faut avoir le courage d’affronter. Je songe ici à trois événements qui défrayent la chronique valaisanne ces temps-ci.

Premier exemple, très important pour l’avenir du Valais, celui du vote de l’initiative Weber sur les résidences secondaires. Personne ne doute que ses effets sont très pénalisants pour l’économie du canton et que les risques d’augmentation du chômage sont réels. Sur un plan plus symbolique, ce vote a été ressenti par de très nombreux Valaisans comme une blessure, comme une trahison de la part des citadins et des habitants du Plateau suisse. Comme résident genevois, je sais bien qu’une grande majorité de Genevois a voté en faveur de cette initiative.

Mais ce n’est pas le lieu ici de faire le procès des uns ou des autres, ni de dire qui a raison ou pas. C’est à la démocratie de trancher et de décider des suites à donner à cet débat. Mais ce qu’il me semble important de rappeler dans le contexte du Premier Août, c’est que la solidarité n’est pas à sens unique et que si le Valais souffre aujourd’hui d’une décision des autres Suisses, il ne doit pas non plus oublier ce qu’il leur doit. A Genève, chaque fois que nous devons voter le budget, il y a de nombreux contribuables qui se plaignent du montant que Genève doit verser aux autres cantons au titre de la répartition intercantonale. L’année prochaine, c’est 13 millions supplémentaires que les Genevois redistribueront aux autres cantons, en plus des 80 millions de francs que les contribuables genevois reversent chaque année dans l’escarcelle confédérale. Le Valais, depuis des décennies, est l’un des principaux bénéficiaires de ce système de solidarité confédérale. C’est très bien ainsi, mais il ne devrait pas l’oublier dans les mauvais jours.

Un autre sujet important concerne le retour des concessions hydroélectriques. Il s’agit ici d’un enjeu encore plus essentiel pour l’avenir du Valais puisque les ressources hydroélectriques, tout comme le tourisme, sont l’un des principaux secteurs économiques du Valais. Et dans ce domaine précis, le Valais me semble avoir une énorme carte à jouer pour conquérir la maîtrise de ces ressources. Je suis convaincu que ce combat rencontrera l’approbation du peuple suisse. Dans l’esprit des Suisses en effet, les barrages appartiennent d’abord au Valais et ils n’auront aucune peine à accepter que leur gestion revient de plein droit aux Valaisans. On retrouve ici la tradition du Premier Août : pour les Suisses, il n’y a aucune raison pour que des intérêts étrangers au Valais fassent main basse sur des ressources qui appartiennent d’abord aux Valaisans.
Mais pour obtenir le succès et trouver l’assentiment du peuple suisse, il y a une petite condition : les Valaisans doivent d’abord se mettre d’accord entre eux pour établir un modèle d’exploitation. Et ils doivent à tout prix éviter les conflits entre les communes concédantes et les autres, ou une guerre entre l’Etat et les communes. Ils doivent aussi éviter de vendre leurs intérêts à des grosses compagnies extérieures en échange de quelques dollars, comme un pays d’Afrique colonisé par les multinationales. Le Pacte de 1291 nous apprend que, quand nous sommes unis autour d’un projet commun, le succès vient comme une récompense naturelle.

Dernier exemple emprunté à l’actualité récente, l’ouverture aux autres. Nous avons tous suivi avec attention ce qui s’est passé avec les Gitans de Collombey-Muraz. L’exaspération provoquée par le comportement de cette communauté est tout à fait compréhensible et il n’est question d’excuser des attitudes qui sont simplement des insultes au bon sens et à la plus élémentaire des politesses. Mais j’aimerais rappeler ici une autre leçon que nous enseigne le Premier Août, à savoir l’esprit de nuance et d’accueil à l’autre. En prêtant serment le 1er Août 1291, nos ancêtres se sont solidarisés contre les juges étrangers, contre une tyrannie extérieure, mais pas contre les étrangers en tant que tels. Faire front commun contre une oppression imposée de l’extérieur est une chose louable, se fermer aux étrangers en mettant tout le monde dans le même sac est au contraire détestable.

Il y a une très grosse différence entre les deux approches. La Suisse gagne un franc sur deux avec l’étranger, ce qui signifie que sans les étrangers, nous serions la moitié moins riches que nous ne le sommes aujourd’hui. Cette inter-dépendance, cette inter-solidarité ne vont pas sans créer des nuisances, parfois très désagréables comme celles qu’ont pu vivre les paysans et les habitants de Collombey. Mais il importe aussi de prendre de la hauteur et de replacer ce genre d’incidents dans un contexte plus large.

Mesdames et Messieurs, vous me pardonnerez, je l’espère, d’avoir puisé dans l’actualité valaisanne des sujets qui me paraissaient pouvoir être éclairés par l’esprit du Premier Août, par l’esprit d’une solidarité vraiment partagée, par l’amour de notre patrie suisse, mais aussi par l’amour de notre patrie au sens large, de notre patrie humaine et de notre petite planète. Car l’esprit qui a inspiré nos ancêtres il y a 721 ans doit continuer à nous guider aujourd’hui.

A vous toutes et à vous tous, je souhaite une excellente fête nationale et une excellente soirée.

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