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Droits de l’Homme à deux vitesses

Dix jours après les élections en Ukraine et dans le Donbass, la trêve reste toujours aussi précaire et le conflit demeure plus que jamais révélateur des complaisances occidentales à l’égard du régime de Kiev et de la sévérité implacable manifestée à l’encontre des « méchants » Russes et pro-russes. Il en dit long sur nous-mêmes, sur nos incohérences et notre pratique sans scrupule des doubles standards.

L’attitude des gouvernements, des ONG et des médias européens en matière de droits de l’Homme est très instructive à cet égard. On attend toujours la publication d’un rapport du Conseil des droits de l’Homme sur les atteintes aux droits humains en Ukraine. On espère qu’il sera objectif et que, contrairement à tout ce qu’on a pu lire jusqu’ici, il mettra également en lumière les violations droits de l’homme et les crimes de l’armée ukrainienne et des milices privées des oligarques contre les populations civiles de Lougansk et Donetsk.

Amnesty International, qui demeure sans aucun doute l’ONG la plus objective et la moins inféodée aux pressions des gouvernements et des bailleurs de fonds occidentaux, a récemment mis en lumière le fait que l’armée ukrainienne avait utilisé contre des populations civiles des bombes à sous-munition interdites. D’une façon générale, les conventions de Genève prohibent le bombardement des populations civiles. Or elles ont été violées pendant des semaines par les troupes de Kiev sans qu’aucun gouvernement, ONG ou média occidental n’y trouve rien à redire. Idem pour les fosses communes découvertes dans les zones reconquises par les pro-russes.

En revanche, la moindre exaction, le plus petit écart commis par les pro-russes est immédiatement dénoncé comme un crime de guerre passible de la Cour pénale internationale. Cette différence de traitement, ou ce double standard si régulièrement dénoncé par les pays non-occidentaux, est patente dans la façon qu’ont certaines ONG de couvrir le conflit. Mi-septembre, une ONG spécialisée dans la dénonciation des atteintes aux droits de l’homme commis dans les pays arabes et par les régimes honnis par la droite américaine (Russie, Iran et Chine surtout, l’Arabie saoudite étant curieusement ménagée) a ainsi organisé ce qu’il faut bien appeler une parade droit-de-l’hommiste. Laquelle, comme dans les cirques du XIXe siècle, consiste à promener dans les couloirs du Conseil des Droits de l’homme et devant les nez des journalistes une pauvre victime priée de décrire par le menu les exactions qu’on lui a fait subir. En l’occurrence il s’agissait d’une malheureuse Ukrainienne arrêtée, détenue puis souffletée en public par des séparatistes. Rien ne peut justifier un tel traitement, bien sûr. C’est odieux et cela doit être vigoureusement condamné. Mais pourquoi cette ONG n’a-t-elle pas aussi invité un séparatiste blessé, bombardé et dépossédé de ses biens par des soldats de l’armée régulière ou des mercenaires privés des bataillons à la solde des oligarques ? La justice et le simple souci de défendre les victimes et de dénoncer les violations des droits de l’homme pour elles-mêmes, sans préférence partisane ni nationale, en seraient sortis grandis et nous n’eussions rien trouvé à redire.

Mais voilà, dans ce conflit, tout est tronqué, biaisé, instrumentalisé. Il ne reste donc plus qu’à espérer que les investigations soient faites avec la plus grande rigueur, sans préjugé, et que l’on exige autant de transparence d’un côté que de l’autre. Or il y a de sérieux risques pour que, profitant de la complaisance occidentale à son égard, la partie ukrainienne procrastine, fasse durer les choses, cache les preuves ou en tout cas essaie de se faire oublier, comme c’est déjà le cas des enquêtes concernant les crimes de la Place Maidan et l’incendie criminel d’Odessa, qui n’ont pas avancé d’un pouce depuis six mois parce qu’elles sont susceptibles de mettre en cause des pro-occidentaux.

Comme pour l’enquête sur les causes du crash du vil MH17, ce genre d’investigation doit être au-dessus de tout soupçon. Elle doit être remplie par une commission internationale ad hoc formée de représentants des deux camps et d’experts externes au conflit. A défaut, le risque de partialité serait trop grand, et la crédibilité des conclusions en souffrirait.

La même vigilance et le même contrôle devraient être mis en place s’agissant de la livraison d’armes aux belligérants. Il ne s’agit pas seulement de contrôler la frontière russe mais également la remise d’armes américaines dernier cri directement aux armées privées des nationalistes ukrainiens subventionnés par les oligarques, livraison qui contourne l’armée régulière afin d’éviter l’embargo et les critiques de l’opinion publique. Dans ce domaine comme dans celui des droits de l’homme, tout double standard devrait être interdit. Moins difficile à dire qu’à faire tant, en Occident, on s’est habitué à tolérer les turpitudes des « gentils » et à stigmatiser les écarts des « méchants ».
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