Dangereux Grand Jeu en Mer de Chine
Grand Jeu, Great Game, c’est ainsi que les historiens ont appelé la politique d’endiguement de la Russie menée en Asie par l’empire britannique au XIXe siècle. Ce « grand jeu » s’est poursuivi au XXe siècle, pendant toute la guerre froide, entre les Etats-Unis et l’Union soviétique. Et il rebondit au XXIe avec la décision du président Obama de basculer le centre de gravité de la politique américaine de l’Europe vers le Pacifique dans l’intention de contenir la nouvelle puissance rivale des Etats-Unis : la Chine.
Le renforcement des 260 porte-avions et navires de la VIIe Flotte américaine et leur déploiement intempestif dans les mers chinoises, passé presque inaperçu en Occident, n’est pas pourtant pas rien dans l’aggravation des tensions en Asie du Sud-Est. Le raffut fait autour de la Corée du Nord ces derniers temps ne doit d’ailleurs rien au hasard. Les essais nucléaires israéliens ou pakistanais n’avaient pas fait autant de bruit en leur temps… Les rodomontades de Kim Jong-un, qui se sent lui aussi menacé par cette nouvelle politique, sont du pain béni pour resserrer les alliances entre Corée du sud, Taiwan, Japon et Etats-Unis et redonner une légitimité aux velléités japonaises d’abroger l’article 9 de la Constitution afin de transformer son armée défensive en force offensive. La décision de Shinzo Abe, mercredi, de dissoudre la chambre basse et d’organiser de nouvelles élections en profitant de la crise coréenne va dans ce sens.
Ces bruits de bottes alarmants font une autre victime collatérale : le Vietnam.
Pour le Vietnam, le choix est cornélien. Car le pays ne peut pas oublier qu’il doit sa victoire et sa réunification, en 1975, au soutien chinois et qu’il a donc une lourde dette à l’égard de son grand voisin. Tout comme la Chine, face à la menace américaine, ne peut pas transiger sur la sécurité de ses approvisionnements et de ses exportations.
Le prochain sommet de l’APEC, en présence des présidents américain et chinois, doit avoir lieu à Danang début novembre. Le Vietnam fait profil bas, en espérant un succès qui permette de faire baisser les tensions. Mais au royaume des baleines, les dauphins ne font pas vraiment le poids…