Louvie, une émeraude dans son écrin de montagnes
16e étape - Mauvoisin-Écuries du Vasevay et du Crêt-Col du Sarshlau-Col du Bec d’Aigle-Lac de Louvie - 21 août 2019
Dans le car postal qui me ramène à Mauvoisin, c’est la rentrée des classes ce lundi. Depuis le Châble, le bus collecte les enfants tout excités vers les écoles de Champsec et de Lourtier. Les randonneurs, qui se sont faits plus rares, font contre mauvaise fortune bon cœur. Après tout, cette bruyante cacophonie change du silence parfois pesant des adultes.
Il a beaucoup plus pendant deux jours et la nature est toute fraîche, pimpante, scintillante de vapeur d’eau et de gouttes de pluie qui brillent dans l’herbe et sur les aiguilles de sapin. Le soleil pointe à travers les brouillards matinaux qui laissent entr’apercevoir un ciel tout bleu et des sommets bien lavés. Les mélèzes, l’herbe et les fleurs sont perlés de rosée et les premiers bolets sont en train de pousser au bord du chemin.
Pour attaquer cette nouvelle et dernière étape de mon périple valaisan, je me sens moi aussi en pleine forme, tout excité à l’idée de reprendre la marche.
Après une courte descente depuis l’Hôtel Mauvoisin pour traverser la Dranse, le chemin commence à monter à travers une forêt éparse de bouleaux et de vernes, sur le versant droit du Val de Bagnes. Les orages ont emporté un bout de chemin et il faut descendre dans le lit encore tout boueux pour franchir le premier torrent. Après une heure de marche, le soleil sèche peu à peu les feuilles et le terrain se fait moins glissant. Un premier, puis un deuxième alpage sont atteints, déserts, puis un troisième, celui du Crêt. Nous sommes sur le sentier des écuries de pierres voûtées, nous annonce un panneau explicatif planté au milieu de divers bâtiments de pierres grossièrement taillées et de bassins taillés dans la roche. Les premières traces d’habitat remontent au néolithique, nous indique-t-on. Les lieux ont été occupés sans interruption depuis lors, bétail et êtres humains ensemble. Plusieurs de ces abris, écurie, fromagerie et abri des bergers ont été magnifiquement restaurés avec leurs toitures voutées de pierre.
Ici, pas de vaches, mais beaucoup de moutons. Ils nous attendent un peu plus haut, sur les contreforts du Pas de Sarshlau, le premier col du jour. A 2600 mètres, son abord reste aisé. Mais l’arrivée au sommet est spectaculaire, tant l’arête est vive. Les pentes de part et d’autre du col sont si abruptes qu’on se sent sur le fil d’un rasoir, obligé de caler un pied sur chaque versant pour se tenir debout !
Pour la première fois depuis des semaines, il n’y a pratiquement pas âme qui vive. Oubliées les cohortes de marcheurs du Tour du Mont-Blanc, du Tour des Combins et de la Via Francigena, un couple de Lausannois et deux Bâloises seront les seuls êtres humains rencontrés au cours de la journée.
Le chemin redescend ensuite dans un vallon et suit le flanc des montagnes qui surplombent Fionnay pendant un long moment avant de remonter vers le torrent du Dâ et franchir le dernier col de la journée, celui du Bec d’Aigle. Après quoi apparait le but final, le beau lac vert de Louvie et sa cabane. Sa belle couleur émeraude incite à la baignade. Elle tranche sur les lacs d’altitude, plutôt couleur jade à cause du limon des moraines.
La cabane est réputée pour sa tarte à la pêche, m’ont conseillé les Lausannois. Trop tard, elle est épuisée. Je me console avec deux couples de Catalans et d’Américains de l’Oregon. Les premiers s’occupent de coopération au développement et ont beaucoup voyagé en Afrique. Ça fait beaucoup d’expériences et d’anecdotes à raconter. Les seconds s’occupent de traitement des déchets et de protection de l’environnement pour l’Etat d’Oregon. Ils s’attendent à devoir passer à la casserole à cause de Trump. Ils sont vite rassurés : les marcheurs en montagne comme les motards ont un code de conduite : pas besoin de se justifier ni d’aborder les sujets qui fâchent au dîner !