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Flic ce métier impossible

Le meurtre de Georges Floyd à Minneapolis et les brutalités occasionnelles de la police française contre les gilets jaunes ont rouvert le débat sur le rôle de la police dans nos sociétés. Dans une démocratie, le métier de flic est difficile. Mais quand ces démocraties sont sous tension, il devient carrément impossible.
Prenons la relation à l’individu d’abord. Comme justiciable, nous détestons souvent la police. Quand elle nous surprend en pleine infraction, ce qui nous arrive à tous une fois ou l’autre ; quand on la soupçonne de traitement inutilement dégradants (comme à Genève dans l’affaire Simon Brandt en 2019 ou du fils Kadhafi en 2008) ; ou quand on l’accuse d’inaction face aux embarras du trafic urbain ou à l’égard des malfrats de tous ordres qui troublent l’espace public.
Mais comme citoyen, nous devons chérir la police. Sans elle, pas de respect des lois ni d’Etat de droit. Et sans Etat de droit, pas de respect des libertés civiles et des droits de l’Homme. Pas non plus de gouvernement efficace et viable. Bref, un état d’anarchie dans lequel les plus vulnérables, étrangers, pauvres, personnes âgées, seraient les premières victimes.
Cette relation schizophrène est donc compliquée en soi, puisque nous sommes tous à la fois demandeurs et critiques de la police. Mais au niveau individuel, les choses peuvent en principe se régler sans trop de peine. Le citoyen peut porter plainte en cas de bavure ou de corruption crasse, et le policier, comme individu, peut aussi agir et se défendre en cas d’agression, dans le cadre de la loi. Surtout si la justice fait bien son travail.
Mais là où les choses se corsent, c’est dans la relation avec le pouvoir politique et l’idéologie du moment qui, eux, ne sont pas neutres et tendent à interpréter les lois d’une façon qui les avantagent. Ce qui a pour effet de brouiller les messages, de désarçonner l’opinion publique et de faire perdre du crédit aux institutions.

La semaine dernière en France, on a ainsi pu voir la police applaudir à Nimes et bastonner à Paris le personnel des hôpitaux dont on vénérait hier le travail pendant la pandémie mais qui manifeste aujourd’hui. On a aussi pu voir un ministre de l’intérieur qui tolérait une manifestation antiraciste illégale au nom de « l’émotion ». Même chose en Suisse d’ailleurs, où des manifestations antiracistes ou pro-vélo ont pu se dérouler en toute illégalité uniquement parce que l’idéologie des pouvoirs en place les jugeait sympathiques. Qu’on soit d’accord sur le fond ne change rien à l’affaire : que penser d’un Etat qui exige de sa police qu’elle réprime sévèrement les uns et tolère sans broncher les écarts des autres ? Et comment l’humble policier casqué dans sa fourgonnette blindée doit-il interpréter ces signaux brouillés ? Les doubles standards et les injonctions contradictoires finissent toujours par faire des dégâts.
Aux Etats-Unis, Etat supposé démocratique, la situation est pire parce que les polices sont souvent des Etats dans l’Etat et qu’elles sont en plus sujettes à une idéologie raciste profondément ancrée, qui les gangrène de l’intérieur, obscurcit la capacité de jugements des agents et les empêche de juger la dangerosité des individus au cas par cas. Dans ce cas, la police n’obéit plus aux lois, mais à des principes qui les violent. Elles sont au service d’une cause et non plus de l’intérêt général.
Ce danger menace aussi les polices d’Europe. Avec la croissance des inégalités et la mise en place de gouvernements qui maintiennent ou confortent ces inégalités sociales, les forces de police tendent à se mettre au service des intérêts de la classe privilégiée au détriment des autres. Tout cela alors que le policier est lui-même souvent au bas de l’échelle sociale. Autre contradiction difficile à gérer.
Pour résoudre ces tensions il n’y a pas d’autre moyen que de veiller avec la plus extrême vigilance à l’équilibre des pouvoirs : la police doit surveiller les citoyens (qui commettent des infractions) et les citoyens doivent surveiller leur police (pour qu’elle reste dans les clous de la loi et du bien commun). Et lui donner des moyens et de la confiance, mais pas trop…

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