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Coup de mou et relance grâce à deux chamois

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21e étape – Grimentz - Zinal – Mercredi 1er juillet 2020

Après une année d'interruption, j'ai décidé de reprendre ce tour du valais à pied et en solitaire là où je l'avais laissé l'an dernier, à Grimentz. Le 1er juillet, j'ai donc repris mon sac à dos pour 35 jours de marche.
Départ de Genève par le train de 10h30, en retard de dix minutes. La reprise de ce tour du Valais à pied après 12 mois d’interruption commence mal. A Sierre, le car postal part sans attendre la correspondance du train et me laisse sur le flanc. Heureusement, un autre bus est annoncé 75 minutes plus tard. Il me pose à Grimentz peu avant 15h. Trop tard pour envisager de monter à la Corne de Sorebois mais assez tôt pour rejoindre Zinal par les chemins du coteau, le long de l’ancien bisse de Morasse. Pour corser un peu la route et franchir le cap des 2000 mètres d’altitude, j’opte pour le trajet le plus alpin, avec une petite montée de 400 mètres par l’alpage du Chiesso.
Dans les premiers mètres, je suis content de retrouver la forêt, l’odeur des bois, les aiguilles de pin sur le chemin, les torrents, les mélèzes, les myosotis et les sabots de Vénus. Mais très vite, je suis rattrapé par une brutale chute de forme. Après une heure de marche, je me sens exténué, avec un sac à dos qui semble peser une tonne et déchire les épaules, des bâtons qui tiennent mal au sol, des jambes lourdes et des pieds mal assurés. Le moteur rugit, la sueur est à son comble, le coeur bat à 150 coups/minutes. Mais impossible d’enclencher la deuxième vitesse, pour faire baisser le régime tout en gardant l’allure. La faute à deux mois de confinement? A une soixante-troisième année qui pèse plus lourd que les précédentes? A un moral en berne à l’idée de s’arracher pour des semaines aux petits conforts de la plaine et de la ville? Ou à un sentiment de déjà-vu et une perte de l’attrait de la nouveauté ?

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J’avais pourtant choisi un parcours facile et court pour commencer, trois heures et une grosse douzaine de kilomètres. Rien à faire, la joie et la motivation pour recommencer ce périple valaisan manquent... Qui sait, l’appétit viendra peut-être dès que j’aurai retrouvé le rythme hypnotique de la marche?
J’en suis là dans mes pensées quand tout à coup un chamois débonnaire surgit sur le chemin, pas peureux pour deux sous. C’est la fin de l’après-midi, le soleil s’est retiré et les premières ombres tombent sur la forêt. C’est l’heure où les animaux sortent de leurs caches dans les pentes couvertes de vernes pour boire et brouter. On se dévisage quelques secondes dans une immobilité absolue, comme dans un jeu où le premier qui bouge a perdu. Jusqu’à ce que mon compagnon de hasard décide de se laisser tenter par la bonne herbe fraîche de l’alpage en bas du chemin. Un quart d’heure plus tard, rebelote. Un second chamois croise mon chemin, proche lui aussi, mais en faisant des bonds impressionnants dans le vide de la pente.
J’interprète ces rencontres comme des signes d’encouragement. La rencontre avec des animaux me rend toujours gai et et mon humeur change : la montagne et ses hôtes saluent mon retour... Leur esprit est avec moi. Suivons l’appel des chamois et sautons de pente en pente sans nous soucier de nos humeurs chagrines.
Encore dix minutes de montée raide puis une heure de descente tranquille sur Zinal. L’hôtel Trift et ses rœsti m’attendent. Le village est désert. Quelques clients animent le restaurant mais je serai le seul hôte pour la nuit. Les naufragés du Covid-19 n’ont pas encore osé sortir de leurs tanières.
Quant à moi, j’ai sauvé l’essentiel : je suis venu à bout, péniblement, de la première étape de cette nouvelle année de marche valaisanne.

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