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Planète bleue - Page 21

  • La Russie, les bouffons et Amnesty

     

    Du début à la fin, l’affaire Navalny n’aura été qu’une bouffonnerie, dont les sanctions européennes constituent sans conteste le sommet.

    Faire d’Alexei Navalny une icône de l’opposition russe comparable à Nelson Mandela tiendrait de la farce si cela ne trahissait pas une profonde méconnaissance du personnage et de la Russie. Navalny est tout sauf un Mandela: c’est un polémiste et un provocateur doué, un mélange local d’Eric Zemmour et de Cyril Hanouna, qui décoche des flèches contre le pouvoir en place avec un art consommé de la mise en scène et qui, de ce fait, s’est constitué une audience appréciable.

    En Occident surtout.

    Car en Russie même, on le regarde avec beaucoup plus de circonspection. Quelques milliers de fans l’adulent, quelques millions de spectateurs apprécient ses piques. Mais de là à ce que les Russes se mettent à suivre ses slogans et à voter pour lui en masse, il y a un pas qu’ils ne franchiront pas. Et même s’ils en avaient envie, la faillite de l’Ukraine, présidée depuis deux ans par l’ex-comique Zelenski, est là pour les en dissuader. Et l’exemple de l’Italie avec le mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo n’est pas plus convaincant.

    Bouffonnerie de l’empoisonnement ensuite. Pendant l’affaire Skripal en 2018, la presse européenne n’a pas cessé de nous décrire l’horreur du novichok, ce poison si mortel et si dangereux que seuls les tueurs expérimentés des services secrets russes pouvaient le manipuler. Résultat : les Skripal ne sont pas morts et Navalny non plus. Curieux, ce poison mortel qui ménage ses cibles!

    Dans l’affaire Skripal, nous avons eu droit à deux versions contradictoires de l’empoisonnement. Dans celle de Navalny, son entourage nous en a donné trois: d’abord, il s’agissait d’un verre de thé à l’aéroport. Puis il a proclamé qu’une petite troupe de fidèles avait réussi à s’emparer de la bouteille d’eau minérale empoisonnée dans sa chambre d’hôtel, au nez et à la barbe des agents du FSB qui tambourinaient à la porte. Et enfin, c’était un slip badigeonné au novichok. Trois thèses différentes et une victime qui pète le feu...

    Dernière bouffonnerie: les sanctions de l’Union européenne, prises grâce à un copié-collé de la législation américaine (le Magnitsky Act), après une visite ratée de Josep Borell à Moscou. Le ministre des affaires étrangères européen voulait rendre visite à Navalny dans sa prison et exigeait sa libération. On se pince!

     

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  • La pandémie est d’abord une crise politique

    La crise épidémique continue et n’est pas prête de s’arrêter en dépit des promesses annoncées par les vaccins. Il y a fort à parier que ceux-ci, à cause des innombrables mutations du virus, ne constitueront qu’une réponse parmi d’autres aux défis posés par le Covid-19.

    Cette installation de la pandémie dans le temps long de nos vies est sans cesse invoquée par les responsables politiques et scientifiques pour éviter toute discussion sur sa gestion. Ce n’est jamais le bon moment de se demander si notre stratégie a été, et est encore, la bonne.

    C’est une erreur majeure. Nombre de pays, en Asie notamment, n’ont-ils pas réussi à juguler la pandémie sans dommages importants, ni sur le plan sanitaire, ni sur le plan économique, et cela quel que soit leur régime politique ? S’ils réussissent là où nous échouons, c’est que nous avons un problème. Un gros problème.

    Contrairement à ce qu’on a pu dire, notre difficulté ne vient pas tellement de notre soumission au principe de précaution (la santé physique d’abord, la santé psychique, la santé économique et le retour des libertés ensuite), car l’Asie l’a appliqué avec autant de rigueur que nous. A mes yeux, il vient d’abord du statut et de la place excessive que nous avons accordée à la science et à la parole des scientifiques dans la gestion de la crise. Comprenons-nous bien: il ne s’agit pas de dire que la science ne sert à rien ou que les experts sont vendus aux laboratoires privés, etc. Il est évident que la science nous a aidés et continuera à nous aider. Son rôle est vital.

    Le problème est ailleurs. Il vient du fait que nous n’avons pas compris qu’une épidémie est d’abord un phénomène politique. Ce n’est pas une maladie qui frappe des individus au hasard, comme la mucoviscidose ou le cancer, et qui doit être traitée avec les moyens les plus sophistiqués de la science. C’est une maladie sociale qui frappe en masse et qui doit être gérée de façon collective, en mobilisant tous les éléments de la société.

    Le traitement de la crise ne repose donc pas seulement sur des épidémiologistes et des universitaires membres d’une task force, aussi géniaux soient-ils. Par un effet humain très compréhensible, ceux-ci, à force d’être sollicités par les médias et les dirigeants politiques, finissent par se croire omniscients et omnipotents. Et par atavisme professionnel, ils ne tardent pas à se convaincre que la science, dont ils sont les représentants, peut tout résoudre. Résultat : on privilégie les mesures d’ordre médical au détriment de l’approche politique, avec l’assentiment tacite des politiciens qui n’osent plus assumer leurs responsabilités par peur des médias et de l’opinion.

    Si l’Asie a réussi, c’est parce qu’elle a géré la crise de façon politique avec l’aide des scientifiques et non pas de façon scientifique avec l’aide des politiques comme chez nous. Nous avons par exemple exclu d’emblée l’apport des médecins de ville, des cliniciens et des pharmaciens, confrontés aux malades, pour n’écouter que des virologues et des statisticiens, compétents certes, mais coupés du réalité sociale et humaine de la pandémie.

     

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  • Les dessus et les dessous de l’affaire Krähenbühl

    Sali par une campagne de dénigrement, l’ancien commissaire général de l’UNWRA, le Suisse Pierre Krähenbühl, attend sa réhabilitation officielle depuis qu’un rapport de l’ONU, rendu public par la RTS en décembre dernier,  l’a lavé de tout manquement grave. Sans succès. Voici pourquoi.

    Commençons par rappeler les faits. En mars 2014, Pierre Krähenbühl, ancien directeur des opérations du CICR, prend ses fonctions de commissaire général de l’UNWRA, l’agence des Nations Unies chargée de l’aide aux réfugiés palestiniens. Il devient le plus capé des hauts fonctionnaires internationaux suisses. Avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, début 2017, et la nomination de son beau-fils Jared Kushner comme haut conseiller puis celle de Mike Pompeo comme Secrétaire d’Etat, l’UNRWA, contestée depuis toujours, devient une des cibles privilégiées de l’Administration Trump, résolument pro-israélienne.

    Suite à la décision des Etats-Unis de couper leur subventionnement à l’UNRWA (360 millions de dollars), Pierre Krähenbühl est contraint de parcourir le monde - avec succès - pour combler le trou laissé par le retrait américain. Fin 2018, le responsable de l’éthique de l’UNRWA, Lex Takkenberg, rend un rapport interne confidentiel dans lequel il dénonce les méthodes de gestion du cercle rapproché du commissaire général. En mars 2019, une enquête interne est diligentée à la demande du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.  Fin juillet 2019, le rapport confidentiel  est dévoilé au public par une fuite sur AP et Al Jazeera.

    Aussitôt, la Suisse, dont le conseiller fédéral Ignazio Cassis avait déjà fait part publiquement de ses doutes à l’égard de l’UNWRA en prétendant qu’elle faisait davantage partie du problème palestinien que de sa solution, suspend sa contribution additionnelle de 2 millions. Une campagne internationale de dénigrement se met en place.

    En novembre 2019, Pierre Krähenbühl  démissionne. Douze mois plus tard plus tard, le rapport des enquêteurs de l’ONU blanchit le Suisse et ne relève que des broutilles concernant des problèmes de management et de respect de procédures. Le 17 décembre, la RTS diffuse un Temps présent qui reconstitue la trame des événements et dévoile les conclusions du rapport qui disculpe le commissaire général. Avant, pendant et après l’émission, des pressions arrivent de toutes parts pour tenter de la faire supprimer ou de la modifier. La nouvelle de la non-culpabilité de Pierre Krähenbühl est relayée dans de nombreux médias et sur les réseaux sociaux mais reste ignorée à Berne et à New York...

    Depuis lors, rien n’a bougé. Silence radio. Le DFAE comme l’ONU sont restés muets comme des carpes tandis que Pierre Krähenbuhl attend toujours une réaction officielle, une clarification et une clôture formelle de la procédure  et, le cas échéant, une réhabilitation. Après tout, il s’agit de l’honneur de l’un de nos hauts fonctionnaires et de la crédibilité de notre pays à assumer des fonctions dirigeantes dans les organisations internationales.

    Que s’est-il passé ? Pourquoi ce silence ? Cette injustice ? Ces lâchetés ? Le DFAE, l’UNRWA et l’ONU auraient pourtant tout intérêt à montrer qu’aucune faute grave n’a été commise et que cette affaire n’a été qu’une tempête dans un verre d’eau, une tentative de kompromat montée par l’administration américaine, le gouvernement israélien et leurs réseaux de soutien, qui ont sauté sur cette occasion inespérée pour tenter de couler l’UNWRA en déstabilisant son directeur. Ce n’est pas la première fois. D’autres hauts fonctionnaires internationaux, tels que le juge Richard Goldstone et le rapporteur spécial Richard Falk avaient déjà été la cible de très violentes campagnes de dénigrement par le passé à cause de leur position critique à l’égard de la politique israélienne en Palestine.

    L’enquête de la RTS, réalisée par Xavier Nicol et Anne-Frédérique Widmann, démonte minutieusement la mécanique qui s’est enclenchée suite à la publication du rapport interne de l’éthicien et rend publics pour la première fois les éléments du rapport onusien qui blanchissent largement Pierre Krähenbühl. Les remarques retenues portent essentiellement sur le style de management et la procédure de recrutement de deux cadres, toujours très lourde et très complexe dans la lourde machine bureaucratique onusienne. Les autres griefs, et notamment l’abus présumé de voyages en classe business, ont été abandonnés. Selon les règles de l’ONU, les hauts fonctionnaires de ce rang sont autorisés à voyager systématiquement en classe affaires, ce que Pierre Krähenbühl n’a fait que de façon épisodique. Contrairement à ce que certaines rumeurs ont laissé entendre, Pierre Krähenbühl n’utilisait pas non plus de luxueuses limousines Mercedes.

     

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