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Planète bleue - Page 5

  • De Bâle à Delémont avec le Père Dominique

     

     

    Bâle - Aesch - Tschöpperli - Blattepass - Blauepass - Mätzlerlechrüz – Laufen – Laufon - Röschenz - Huggerwald - La Réselle - Soyhières - Vorbourg - Delémont – Develier – 8, 9 et 10 août 2021

     

    En quittant le Goetheanum, il se met à pleuvoir à tout rompre et je prends le train pour rejoindre mon hôtel bâlois, situé sur la rive droite du Rhin. J’y arrive trempé. Pendant deux heures, opération lessive : sac à dos, chaussures et habits maculés de boue, tout y passe tandis que le reste des affaires est mis à sécher un peu partout dans la chambre.

    Mon portable s’agite : mon ami Andreas a vu mon post d’hier et m’invite à dîner ce soir. Nous nous retrouvons sur le parvis de la cathédrale. Il me propose une visite guidée du centre-ville après le repas. Sa femme et sa fille sont au Cameroun et il a tout son temps. Pendant deux heures, jusqu’à minuit, nous déambulons dans la vieille ville, le long des rives et sur les ponts du Rhin. Il me détaille les maisons patriciennes, la généalogie des grandes familles bâloises, les décorations des salons de Moritz Suter, l’ancien patron de Crossair, que l’on peut admirer depuis la rue, l’avancement des travaux des campus Roche et Novartis qu’on aperçoit au loin, le puits de lumière ouvert sur les étoiles dessiné par le célèbre bureau Herzog & de Meuron pour marquer l’entrée de la Foire. Il est assez fier de me montrer les richesses de sa ville.

    Il préside la chambre de commerce Suisse-Afrique dont je suis « conseiller spécial » me rappelle-t-il. J’ai grand plaisir à échanger des nouvelles d’Afrique et à découvrir les petits et grands secrets de Bâle, que je n’avais pas revue depuis vingt-cinq ans au moins.

    Le lendemain est un dimanche et je m’offre une grasse matinée en me levant à 8 heures J’ai prévu une petite étape tranquille d’une quinzaine de kilomètres jusqu’à Laufon. Quatre heures tranquilles. Je n’aime pas arriver à destination trop tôt dans la journée car je m’ennuie si je n’ai pas mes sept à huit heures de marche quotidienne. On se sent tout bizarre quand on n’a pas eu sa dose habituelle de pas. Qu’est-ce qui me motive à faire de tels efforts ? me demande une lectrice sur Facebook. Je n’en sais trop rien, si ce n’est que c’est rester sur place qui me pèse. Rien ne remplace l’émotion qui vous gagne quand vous arrivez sur une hauteur et que vous toisez le monde qui s’étend à vos pieds. Le sentiment d’être maître de son destin et libre de ses mouvements sans que rien ni personne ne vous oblige est à nul autre pareil. Seule la fraîcheur du vent et le poids du sac à dos sur vos épaules vous rappellent les contraintes du réel. Toute le reste est sans importance.

     

     

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  • Balade chez les anthroposophes de Dornach

    Welschenrohr - Hunter Brandberg - Obere Tannmatt - Scheltenpass - Hohe Winde - Kloster Beinwil - Meltingerberg Bergwirtschaft - Meltingen – Ibach – Chessiloch – Grellingen – Dornach – 6 et 7 août 2021

     

    Ce matin, ma généreuse hôtesse m’a préparé un petit déjeuner de roi. Il est vrai que je suis son unique client. Son mari, cuisinier à la retraite, m’a concocté un demi-kilo de birchermuësli aux fruits frais à se faire exploser la panse. Je me sens prêt à attaquer la journée en tirant une charrue si nécessaire.

    Après une rude montée au Hinter Brandberg, face au Weissenstein, la marche consiste à jouer à saute-mouton à travers les plis et replis du Jura, qu’on traverse dans toute son épaisseur jusqu’à Hohe Winde, d’où la vue embrasse l’horizon jusqu’à Bâle et Delémont. On aperçoit même les Alpes bernoises et glaronaises, la Forêt Noire, l’Ajoie et le Jura français. Vingt-sept kilomètres avalés d’une traite, en huit heures de marche. Le ciel est couvert mais sec, avec un pâle soleil : une météo idéale pour marcher sans se mouiller les pieds. Mais les chemins sont encore glissants et boueux et je m’étalerai trois fois dans l’épaisse gadoue malgré ma prudence.

    Vers 16 heures, j’arrive au monastère de Beinwil, lové dans un fond de vallée perdu au milieu de nulle part. Fondé en 1085 par un seigneur local, le cloître a été très florissant au XIII et XIVe siècles, pendant lesquels il a accueilli des nonnes et exploité une scierie, une fromagerie, une herboristerie célèbre ainsi qu’un atelier réputé de copistes auteurs d’une bible enluminée qui a fait date. Après un lent déclin, le dernier moine est mort en 1555. Le couvent semblait irrémédiablement perdu quand la ville de Soleure, à la faveur du renouveau catholique de la Contre-Réforme, décida de le réhabiliter et de le reconstruire à la mode baroque en lui donnant l’aspect qu’il a conservé jusqu’à aujourd’hui. J’aime savoir que, au fond de ces vallées isolées, des esprits libres et savants ont résisté à la malice des temps et transmis un patrimoine inestimable aux générations suivantes. Ce n’est pas la moindre qualité de ces habitants du Jura que de penser et créer sous cape, à l’insu des citadins qui s’imaginent régir le destin du monde et guider l’humanité à tout jamais.

    Je consacre une bonne heure et demie à me décrasser à la fontaine, à paresser dans cette église accueillante et à visiter les bâtiments annexes et leurs expositions, puis à prendre le soleil devant l’écurie en dégustant des glaces maison dénichées dans le « hoflädeli » du domaine.

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  • Quatre jours d’errance dans les replis du Jura

    Le Landeron - La Neuveville - Gléresse (église) - Douanne - Alfermée - Bienne - Gorges du Taubenloch - Frinvillier - Plagne - Montagne de Romont - Stierenberg – Untergrenchenberg - Pré-Richard - Court - Gorges de Court - Moutier - Cabane du Mont-Raimeux - Le Petit Pré - Corcelles - Gänsbrunnen - Welschenrohr – 2, 3, 4 et 5 août 2021

    Comment décrire ces quatre jours d’errance dans les monts jurassiens ? Quatre jours sans faits notables, sans peines mais aussi sans grandes joies, passés à se faufiler dans les replis et à se hisser sur les sommets peu spectaculaires des montagnes de la chaîne du Jura. Il m’aura fallu quatre longues journées grises, maussades, mornes, pour apprendre à estimer ce paysage que j’ai de prime abord jugé sans attrait.

    Après la déprimante traversée du Plateau, j’étais plutôt content de retrouver des pentes et des rochers. Mais je n’avais pas fait le deuil de l’âpreté et de la farouche aspérité des Alpes et il m’a fallu plusieurs jours pour apprivoiser ces monts pas assez élevés et ces vallées trop habitées pour jouir de l’ivresse des hauteurs et des frissons de la solitude.  

     

    Au Landeron, j’ai opté pour le parcours le plus simple et le plus gratifiant, celui qui longe le lac de Bienne à flanc coteau, au milieu du vignoble bernois. On surplombe le lac en faisant du cabotage entre des curiosités architecturales, le château du Schlossberg à la Neuveville, la charmante église de Chilchräbe à Gléresse, une autre chapelle à Tüscherz, les deux situées au milieu des vignes, en regardant les bateaux et les voiles blanches qui s’égaient sur le lac bleu.

    L’église de Gléresse est en fait un temple réformé, sans ornement autre que sa chaire, une écritoire à psaumes et des stalles prévues pour des moines qui ne les ont jamais occupées. Construite entre 1522 et 1526 pour accueillir les pèlerins qui se rendaient à Compostelle, deux ans avant que le pays se convertisse au protestantisme, la chapelle a conservé cette double empreinte, gothique tardif et austère, avec des peintures et des vitraux qui témoignent d’une volonté décorative inachevée.

    Du coup, elle n’a pas eu à subir les fougues de l’iconoclasme luthérien. Mais pas moyen de procéder au rituel des offrandes. Pas question d’apaiser ses angoisses existentielles avec une petite bougie sacrificielle. Dépité, je me console ne me disant que l’ardeur que les catholiques mettaient à décorer leurs églises, les protestants l’ont employée à les rendre nues et grises et que, tandis que les uns amassaient de l’or pour dorer des plafonds et des autels tout en entretenant un clergé dispendieux, les autres l’entassaient dans les coffres de leurs banques en l’escamotant à la vue du public.

    Mais laissons à Max Weber ces hautes considérations sur l’esprit du capitalisme naissant et reprenons notre chemin. Grâce à un orage qui m’oblige à chercher un abri, j’apprends un peu plus loin que Gléresse abrite l’une des meilleures caves de Suisse selon Gault & Millau. Des gens qui savent faire du bon vin ne sauraient être de mauvais paroissiens…

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