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Planète bleue - Page 54

  • L'Eglise russe, un lieu d’exaltation et de consolation

    L’église russe de Genève, puisque c’est ainsi que les Genevois l’appellent familièrement, est sans aucun doute le lieu le plus connu de Genève avec la Cathédrale Saint-Pierre et l’Hôtel de Ville. C’est un immense plaisir et un grand honneur de m’avoir associé, aujourd'hui mercredi, à son 150e anniversaire et à sa restauration. J’en remercie vivement Mgr Michel et le comité d’organisation.
    Pour moi, modeste réfugié catholique descendu des montagnes du Valais pour faire ses études dans la Rome protestante, « l’église russe » a immédiatement représenté quelque chose d’important. Elle a d’abord été une présence apaisante, rassurante, bienfaisante et même consolante. Comme jeune étudiant encore étranger à cette ville, j’aimais voir ses murs blancs et ses bulbes briller de nuit comme de jour, dans le froid comme dans la canicule, sous la pluie comme sous la neige. Car cette église n’est pas seulement une pièce marquante du patrimoine historique et architectural de Genève, c’est d’abord une présence amicale.
    Je dois cependant avouer que pendant longtemps je n’ai pas osé y entrer. Elevé dans la tradition catholique et après six années de petit séminaire dans une congrégation missionnaire, j’avais vécu dans la conviction que l’église orthodoxe était sortie du bon chemin, qu’elle sentait le soufre et représentait donc une voie à éviter. Il y a une trentaine d’années, bravant mes préjugés, j’ai donc forcé la porte une première fois, davantage saisi par la curiosité et le goût de l’exotisme que par un saisissement de la foi, je dois le confesser. Et je ne m’en suis jamais repenti ! Depuis lors, je ne manque jamais une occasion de fréquenter les églises orthodoxes, d’y brûler un cierge et de m’incliner devant une icône. Car avec l’âge et l’expérience, j’ai pu constater, comme la plupart d’entre nous je pense, que ce qui nous rassemblait nous autres les chrétiens, que nous fussions orthodoxes, catholiques ou protestants, était bien plus important que ce qui pouvait nous séparer. Et j’ai notamment appris que les traditions et les rites, si sublimes dans l’orthodoxie, pouvaient exalter l’âme et faire ressortir ce qu’il y a de meilleur en l’Homme aussi bien que les prêches des pasteurs et les sermons des chanoines.

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  • Qui restera pour sauver la presse suisse?

    Fin août, en commentant le regroupement des rédactions des journaux Tamedia sous un seul toit à Lausanne et la fin de l'autonomie rédactionnelle de la Tribune de Genève, de 24 Heures et du Matin Dimanche, Le Temps appelait à ouvrir le débat sur l'avenir des médias en Suisse romande. Dont acte.
    Ce qui est en jeu dans cette opération, c'est moins le déplacement de quelques dizaines de journalistes à Lausanne qu'un vrai changement de paradigme. Car contrairement à ce qui s'est passé jusqu'ici, où l'on taillait dans les effectifs des rédactions mais en préservant leur autonomie et leur identité, il s'agit ici de la dissolution de la plupart des rubriques, de l'étrangère si essentielle pour une ville internationale comme Genève, aux sports, si importants pour le maintien de l'âme populaire d’un journal, et du transfert des décisions éditoriales à Lausanne, et de fait à Zurich, puisque tout se décide là-bas.
    Pour Genève dans l'immédiat, et pour la Suisse romande à terme, c'est une catastrophe! Que la deuxième ville et la troisième économie du pays, siège des organisations internationales, n'ait plus de grand quotidien indépendant est un phénomène qui ne peut qu'avoir de graves répercussions pour l'avenir de l'ensemble de la région. Un journal, c'est non seulement des journalistes mais c'est aussi l’âme d’une région, la voix d'un terroir, un catalyseur d'énergies et d'idées. Je crois qu'il est important d'en prendre conscience et que c'est rendre service à tous, politiciens, milieux économiques et éditeurs aussi, que de leur faire part de notre refus d'assister à ce qu'il faut bien qualifier de démantèlement progressif de la presse romande. A court terme Lausanne en profite, mais à long terme, c'est l'effacement de la Suisse romande sur la scène nationale qui est en jeu.

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    Lien permanent Catégories : Général
  • La frontière comme deuxième peau

    Discours tenu le 1er Août 2107 dans la commune de Gy.
    Permettez-moi d'abord de vous remercier chaleureusement de m'avoir invité à passer cette soirée de fête nationale avec vous. C'est un plaisir tout particulier d'être dans cette merveilleuse commune qui est peut-être la plus menue du canton par le nombre de ses habitants et par la brièveté de son nom mais qui a l'immense mérite de rappeler mon prénom à une voyelle près. Je suis d'autant plus honoré que nous savons bien que l'excellence ne dépend ni du nombre ni de la longueur et qu'en matière de qualités, les Gytans n'ont rien à envier au reste des Genevois.

    Puisque nous sommes dans une commune frontière, qui jouxte la France sur toute sa longueur, j'aimerai ce soir faire l'éloge de cette frontière. Pour une raison toute simple : parce que sans frontière il n'y a pas de patrie. Sans frontière, il n'y aurait ni commune, ni canton, ni Confédération.

    Dans un essai publié voici cinq ans, Régis Debray a fait l'éloge de la frontière.
    La frontière est ce qui donne du sens à notre monde, dit-il. Elle est la première réponse au néant de l'espace et de l'existence. «Comment mettre de l'ordre dans le chaos? En traçant une ligne. En séparant un dehors d'un dedans.» «La ville des villes», Rome, a été fondée à partir de rien par une limite, le pomerium, tracée par Romulus dans le sol avec un soc de charrue. La fermeture de la frontière produit des formes de sacralité, autrement dit ce qui a le plus de sens dans nos existences, estime Régis Debray. Le tombeau est fermé, tout comme le sanctuaire qu'on ne peut forcer. La frontière est donc ce qui permet à notre pays d'exister, de se distinguer du reste du monde, d'affirmer ses valeurs, son identité et d'exercer ses droits politiques et sa démocratie directe.

    La frontière c'est aussi ce qui permet d'éviter l'uniformisation du monde. Elle permet d'«enfoncer un coin d'inéchangeable dans la société de l'interchangeable,», «de sauvegarder l'exception d'un lieu et à travers lui la singularité d'un peuple». L'être se définit par rapport à l'extériorité du non-être. Une communauté, un monde, n'existent que par rapport à l'extérieur. Parler de l'humanité comme de la communauté de tous les hommes vivant ensemble n'a aucun sens sauf si cette communauté rencontre des extra-terrestres. L'humanité pourrait alors poser ses frontières terrestres face à une altérité extérieure.

    Mais la frontière, et vous voyez où je veux en venir, n'est pas facteur d'exclusion. Bien au contraire.

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