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  • A Rosswald, un espresso italien à tomber les chaussettes !

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    31e étape - Col du Simplon – Bärufalla – Wasensee – Bortelhütte – Mischibach - Rosswald - Mardi 14 juillet 2020

    Bonne nuit à l’hospice, seul dans une grande chambre de six lits. Un bon matelas et la compagnie des chanoines et des paroissiens brigands en retraite garantissent manifestement un sommeil plus calme qu’une nuit sur un plancher de yourte. Je fais la grasse matinée jusqu’à 7 heures, le déjeuner ayant été fixé à 8 heures. Ma lessive est sèche, mes ampoules aux pieds sont presque guéries et je me sens en forme pour une bonne journée de marche, une fois mes exercices matinaux terminés. Départ en douceur à 9 heures, avec une météo en demi-teinte, mais qui s’avèrera assez vite conciliante.
    Vu du Simplon, Rosswald parait à portée de main. Une dizaine de minutes de vol suffirait pour un gypaète ou un aigle un tant soit peu doué. Mais on est en Valais et on ne soulignera jamais assez ce que ce canton peut receler de vallées cachées, de vallons insoupçonnés, de couloirs à avalanches dissimulés, de barres de rochers masquées, de hautes steppes et de marais spongieux mal signalés, d’alpages grevés de trous de marmottes, d’éboulis et de pierriers mal placés, de rochers mal rangés ! Il m’arrive souvent d’y penser lorsque la marche devient laborieuse, à cause de la pluie, du soleil ou des cailloux. Dans ces moments, tout semble conspirer contre vous et s’évertuer à faire obstacle à votre progression. A peine avez-vous entrevu la buvette tant désirée qu’elle se dérobe parce que vous venez d’atteindre ce point fatal où le chemin décide de descendre à-pic au fond d’une gorge profonde et invisible pour mieux remonter sur l’abrupt et caniculaire versant d’en face. Le demi-litre de Rivella et la tarte aux myrtilles tant désirés devront patienter une heure encore. Si tout va bien…
    Le premier chemin du jour commence par longer la tranchée couverte de la route du Simplon avec ses meutes de poids lourds qui rugissent dans les oreilles. Mais fort heureusement, il s’en écarte assez vite pour monter vers un alpage accueillant, du nom de Schallbett. Il continue ensuite sur les hauts de la vallée, à travers des landes couvertes de bruyères et des zones de marécage, jusqu’à l’alpage de Bärufalla, d’où un sentier monte jusqu’au très agréable petit lac bleu de Wasen. Un rayon de soleil inattendu m’incite à tenter un bain. On entend le sifflement des marmottes et les sonnettes d’un troupeau de vaches. Comme d’habitude, l’eau glacée agit comme un coup de fouet. On entre dans l’eau et on en ressort comme un obus! Mais qu’il est bon ensuite de se chauffer sous les rayons d’un soleil pas trop agressif et de se sécher à l’aide d’une petite brise ! Marcher en montagne, c’est souffrir beaucoup mais c’est aussi se sentir vivre comme jamais.
    Du coup, je m’aperçois que j’ai oublié la clé de ma chambre dans ma poche. Trop tard pour revenir en arrière. Je décide donc de la confier aux prochains randonneurs qui feront le chemin en sens inverse. Peu après, une famille de Suisses-Allemands acceptera en effet de la ramener à l’Hospice.

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  • Halte chez les bons chanoines du Simplon

    30e étape - Col de Gibidum - vallon de la Gamsa - col de Bistine - Hospice du Simplon – Lundi 13 juillet 2020

    Réveillé à 5h45 par les premières lueurs du jour, un torticolis carabiné et un froid tenace, pas question de faire la grasse matinée dans cette yourte glaciale. Le petit déjeuner au lit attendra des jours meilleurs.
    Une demi-heure de yoga pour se réchauffer et se dégourdir les muscles, quelques ablutions au lac, un petit encas avec du pain sec et un reste de fromage, le temps de plier et de rassembler mes affaires et de remplir les gourdes au ruisseau et me voilà prêt au départ à 7h déjà.
    Le ciel est couvert. De l’autre côté du vallon, vers le Simplon, des trainées de brumes descendent du col que je suis censé franchir en début d’après-midi. Plutôt que de descendre tout au fond de la vallée pour remonter de l’autre côté, les connaisseurs conseillent de remonter le vallon jusqu’au fond, sur cinq ou six kilomètres et de revenir de l’autre côté, ce qui est beaucoup plus agréable pour l’œil et l’esprit. On suit le bisse qui approvisionne l’alpage en eau à partir du torrent qui descend du glacier du Fletschhorn. Il fait frais, le chemin est agréable et facile, et je marche donc d’un bon pas. C’est le paradis des marmottes. Elles croisent mon chemin, dévalent la pente jusqu’à leur terrier, sifflent pour avertir leurs congénères et parfois se figent dans une pose comique en me surveillant d’un coin de l’œil.
    Après deux heures de marche, j’atteins le fond de la vallée et les petits lacs de Fulmoos, à 2500 mètres d’altitude. Un couple de jeunes Brigands vient d’y passer une nuit sous la tente. Un rayon de soleil perce les nuages et je décide de faire une pause et de procéder à des ablutions plus complètes près d’une petite lagune proche de petits névés. Un coin sauvage, coupé du monde, qui n’offre que des rochers et des nuages pour seuls compagnons.
    Le chemin revient amorce une boucle et revient sur l’autre versant du vallon en montant doucement vers le col de Bistine, noyé dans les nuages. Les abords du chemin sont couverts de myriades de fleurs de toutes les couleurs. J’atteins le col vers 13 heures. Un grand cairn érigé en 1940 par les soldats de la troisième compagnie du 17e régiment marque l’entrée dans la vallée du Simplon. Commence la descente sur le Simplon, plongé dans la brume. En avance sur l’horaire, je prends mon temps car le chemin est glissant et caillouteux. Un peu plus tard, la brume se lève et laisse entrevoir la vallée du Simplon se découvre. On peut distinguer l’ancien hospice et des portions de la vieille route Napoléon, qui serpente dans le vallon alors que la voie moderne, taillée pour le trafic poids lourd, ne s’encombre pas de méandres.

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  • On rigole bien dans les cabanes uranaises

    35e étape - Cabane de Corno Gries - Cabane de Piansecco - Passo di Cavanna - Cabane de Rotondo - 18 juillet 2020

    La nuit a été médiocre à cause d’un mal de tête opiniâtre. Mais la météo est bonne et il n’est pas question de procrastiner avant une étape qui s’annonce comme l’une des plus longues du tour. Sur ce point en tout cas, je ne serai pas déçu. La matinée se passe pour le mieux. Les cinq premières heures fondent dans le paysage avenant du Val Bedretto comme du sucre dans un espresso italien. Mais les quatre dernières, dans un décor de haute montagne avec des pierriers vertigineux entrecoupés de névés en à-pic, rappelleront au randonneur trop confiant la dure réalité de la montagne.
    La journée commence par une descente en douceur à l’Alpe Cruina, au pied sud du col du Nufenen. Puis il emprunte l’agréable chemin d’altitude du haut Val Bedretto, en direction de la pimpante cabane du Piansecco, en traversant une série d’alpages, Ruino, Peschiara, Cavanna, qui surplombent les villages du haut de la vallée, Al Acqua, Ronco, Bedretto.
    Un ciel clair, une brise fraîche, peu de randonneurs, une pause dans une cabane moderne et avenante, deux vététistes qui s’obstinent à porter leur engin sur l’épaule dans l’espoir (déçu, me dis-je) d’un chemin plus carrossable. En longeant des bruyères, je tombe à nouveau sur une vipère, brune et maigrichonne cette fois, qui m’accompagne quelques mètres avant de filer dans les pierriers. Rien de notable si ce n’est la munificence des hautes Alpes tessinoises.
    Avant le col du Lucendro qui mène au Gotthard, je coupe à gauche sur le col de Cavanna, qui conduit à Realp, dans le canton d’Uri, et à la Furka. 700 mètres de montée en plein soleil, après cinq heures de marche d’approche, ça pèse sur le dos et les jambes, fussent-ils bien entraînés! Juste avant le col, soufflant et ahanant comme la mule du pape, je rattrape néanmoins deux jeunes Suisses allemandes tout en étant talonné par deux Zurichois. Nous nous rejoignons tous au sommet et décidons de faire équipe car nous allons tous à la même cabane par un itinéraire qui s’annonce scabreux.
    Le contraste entre les deux versants du col est en effet saisissant. Autant le côté tessinois était avenant, souriant, ensoleillé, herbagé, couvert de fleurs, autant le versant uranais parait âpre, rude, raide, enneigé et pierreux. Caillasses et neiges se conjuguent dans un univers froid et minéral. Nous sommes sur la crête du partage des eaux: derrière nous, au sud, le Tessin et le bassin du Pô mènent à la Méditerranée ; devant nous, au nord, les sources de l’Aar et de la Reuss, et vers l’est, celles du Rhin, conduisent à la froide Mer du Nord. A l’ouest, celles du Rhône filent vers la France.
    Du col, les flèches indiquent un pierrier de gros blocs éboulés vaguement arrangés en escaliers, près d’une arête couverte de neige et côtoyant le vide. A l’endroit dit Huendersattel commence une descente éprouvante à travers de nouveaux pierriers et des champs de neige. Au milieu de la descente, après une pause pour soulager les pieds, je perds la trace de mes compagnons, disparus dans une combe, et celle du chemin. Je suis descendu trop bas et butte sur une paroi de rocher. J’ai toutes les peines du monde à retrouver le sentier et coupe à travers une pente herbeuse très raide en me tenant aux rochers les plus solides. En fait, le sentier est remonté sur une crête pour mieux redescendre au fond d’une gorge à travers des éboulis. Il faut assurer chaque pas, se retenir aux rochers pour ne pas glisser sur la neige durcie, dans un calvaire qui semble sans fin.
    Entretemps, la cabane qui paraissait si proche a définitivement disparu, cachée par les rochers. Quand elle réapparaît enfin au sommet d’une butte, il faudra encore 45 minutes de grimpe pour l’atteindre.
    Neuf heures et demie d’efforts depuis ce matin pour gagner cette cabane perdue du canton d’Uri. Est-ce que ça en valait la peine? Pas vraiment, me suis-je dit en regardant mes pieds endoloris et mes cloques écrasées, les douches fermées pour cause de Covid et l’absence d’eau chaude. Mais voilà : une fois le sac posé, après une petite sieste au chaud sur un matelas moëlleux et une bonne bière, on voit le monde différemment. Oubliées la peine, la sueur, la douleur, la froidure, la chaleur, la peur, la désespérance. On se laisse gagner par la joie d’avoir accompli quelque chose, d’être submergé de paysages et empli d’un sentiment de liberté et de sensations qui effacent aussitôt les désagréments physiques.

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