Bienvenue au pays des « Salü » et des « Adé »
Brouillard, grésil et petites averses ont duré toute la nuit et, à l’aube, la cabane est encore noyée dans la brume. Vers 9 heures, les nuages remontent sur les sommets et la vue se dégage un peu sur le bas de la vallée d’Anniviers.
Le chemin monte aimablement dans la lande et les pierriers, traverse des marais formés par la fonte des neiges et grimpe en direction de la pointe de la Bella Tola. De temps en temps, des pylônes de téléski apparaissent comme des fantômes dans la brume. Après une heure de marche tranquille, je bifurque à droite en direction du sentier qui mène aux lacs de Bella Tola et d’Armina, afin de rejoindre le chemin du pas de Meiden. Pas âme qui vive. De la brume, de l’herbe, de l’eau, des pierres et une marmotte qui part se terrer dans son trou en sifflant. Les lacs sont encore partiellement prisonniers des neiges.
Après une nouvelle heure de marche, le Meidpass est en vue. Il pleuvine, la visibilité est nulle. Le franchissement du roestigraben, qui culmine tout de même à 2789 mètres, se fait dans une solitude absolue et il faudra attendre l’après-midi pour entendre les premiers Grüsserr ! Ici, on ne dit pas gruëzi comme à Zurich et on se quitte en disant « Adé », adieu. En attendant de peaufiner les formules de politesses en wallisertütsch, je me contente de saluer l’événement par un selfie humide. Pour la vue sur le Weisshorn, le Cervin et les autres 4000, il faudra repasser! Glaciers étincelants, où vous êtes-vous cachés?
Devant moi, le Haut-Valais apparaît aussi bouché que le Bas. Une échancrure dans le brouillard laisse entr’apercevoir en contrebas une vaste moraine couverte de névés et une vue du lac Meiden encore à moitié pris dans les glaces. Pas vraiment gai.
La descente sur la vallée de Tourtemagne s’annonce donc lente, mouillée et cahoteuse. Une crampe à la jambe droite me fait diablement souffrir et j’ai peur de me tordre une cheville sur un caillou glissant ou des graviers traitres.
Après une heure de ce régime pénible, le temps s’améliore cependant. Un rayon de soleil perce à travers les nuages et, faute d’avoir pu faire une pause sur les rives enneigées et brumeuses du lac de Meiden, je m’arrête près de la grande gouille de Chlei Seewji, à dix minutes de marche du chemin. Le soleil joue à cache-cache mais il fait moins cru et je prolonge la pause pique-nique d’une petite sieste, sous la garde vigilante et massive de la dent du Meidhoru, qui se dresse dans le ciel comme une corne de rhinocéros.