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  • Bienvenue au pays des « Salü » et des « Adé »

    23e étape - Cabane Bella Tola - Meidpass - Gruben – Vendredi 3 juillet 2020

    Brouillard, grésil et petites averses ont duré toute la nuit et, à l’aube, la cabane est encore noyée dans la brume. Vers 9 heures, les nuages remontent sur les sommets et la vue se dégage un peu sur le bas de la vallée d’Anniviers.
    Le chemin monte aimablement dans la lande et les pierriers, traverse des marais formés par la fonte des neiges et grimpe en direction de la pointe de la Bella Tola. De temps en temps, des pylônes de téléski apparaissent comme des fantômes dans la brume. Après une heure de marche tranquille, je bifurque à droite en direction du sentier qui mène aux lacs de Bella Tola et d’Armina, afin de rejoindre le chemin du pas de Meiden. Pas âme qui vive. De la brume, de l’herbe, de l’eau, des pierres et une marmotte qui part se terrer dans son trou en sifflant. Les lacs sont encore partiellement prisonniers des neiges.
    Après une nouvelle heure de marche, le Meidpass est en vue. Il pleuvine, la visibilité est nulle. Le franchissement du roestigraben, qui culmine tout de même à 2789 mètres, se fait dans une solitude absolue et il faudra attendre l’après-midi pour entendre les premiers Grüsserr ! Ici, on ne dit pas gruëzi comme à Zurich et on se quitte en disant « Adé », adieu. En attendant de peaufiner les formules de politesses en wallisertütsch, je me contente de saluer l’événement par un selfie humide. Pour la vue sur le Weisshorn, le Cervin et les autres 4000, il faudra repasser! Glaciers étincelants, où vous êtes-vous cachés?
    Devant moi, le Haut-Valais apparaît aussi bouché que le Bas. Une échancrure dans le brouillard laisse entr’apercevoir en contrebas une vaste moraine couverte de névés et une vue du lac Meiden encore à moitié pris dans les glaces. Pas vraiment gai.
    La descente sur la vallée de Tourtemagne s’annonce donc lente, mouillée et cahoteuse. Une crampe à la jambe droite me fait diablement souffrir et j’ai peur de me tordre une cheville sur un caillou glissant ou des graviers traitres.
    Après une heure de ce régime pénible, le temps s’améliore cependant. Un rayon de soleil perce à travers les nuages et, faute d’avoir pu faire une pause sur les rives enneigées et brumeuses du lac de Meiden, je m’arrête près de la grande gouille de Chlei Seewji, à dix minutes de marche du chemin. Le soleil joue à cache-cache mais il fait moins cru et je prolonge la pause pique-nique d’une petite sieste, sous la garde vigilante et massive de la dent du Meidhoru, qui se dresse dans le ciel comme une corne de rhinocéros.

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  • Combat de reines au pied du Tounò

    22e étape - Zinal-Tounô-Hôtel Weisshorn-Tignousa-Cabane Bella Tola – Jeudi 2 juillet 2020

    La nuit a été difficile et le sommeil capricieux. Lu quelques pages de la Suisse de travers de Daniel de Roulet entre 3h et 4h du matin. Lui a décidé de traverser la Suisse de part en part, d’ouest en est et du nord au sud. Mais en restant à basse altitude, à hauteur des écrivains qui l’ont précédé. Réveillé à 6h30. Par bonheur, une demi-heure d’exercices matinaux suffit à me donner une forme qui s’avèrera étincelante.
    Ce matin en effet, la machine a trouvé son rythme. Après une bonne vingtaine de minutes et un premier kilomètre de chauffe, le diesel s’enclenche pour une journée qui sera la plus longue de toutes les étapes de ce périple: à l’arrivée, le compteur affichera 11 heures de marche et 29 kilomètres parcourus.
    C’est peut-être aussi l’effet de la petite chandelle allumée dans la petite église de Zinal avant de partir. Les saints patrons des villages d’Anniviers ornent les vitraux: Barthélémy, Euphémie, Théodule et Anne veillent sur les voyageurs déraisonnables qui se sont mis en tête d’arpenter la vallée. Sainte Euphémie, patronne de Vissoie décapitée à la fin du IVe siècle en Chalcédoine et sauveuse de la chrétienté à qui elle a évité un schisme dangereux, me semble particulièrement efficace. Ils se sont alliés pour faciliter leur marche et éviter les embûches.
    Le chemin commence à grimper dans une très belle forêt de mélèzes et d’arolles, jusqu’à un premier alpage. Puis la pente s’adoucit jusqu’à un deuxième alpage, avant de remonter de plus belle sur le haut du versant droit de la vallée, en face de Grimentz. Après deux heures de montée, en atteignant Nava, je décide de contourner les pointes du même nom pour rejoindre l’Hôtel Weisshorn par la droite, en direction de l’alpage du Tsahélet et du col de la Forcletta. Je coupe ensuite à gauche, en direction du petit col de Bella Vouarda pour redescendre sur la plaine alluviale du Tsa du Tounô. La météo semble favorable et l’idée est de tenter l’ascension du Tounô, gravi une première fois il y a plus de trente ans. Le ciel est voilé, le Tounô et la Pointe de Tourtemagne sont cachés par une petite nappe de brouillard Mais le soleil n’est pas loin et joue à cache-cache avec les nuages.
    Pour faire la jonction avec le chemin du Tounô de l’autre côté de la plaine du Tsa, je coupe à travers les pierriers, pas trop escarpés, jusqu’au pied du monticule qui ferme le lac de Tounô, à 2660 mètres d’altitude. Il est 14h et l’endroit est encore assez fréquenté. Après une brève pause pique-nique, je cache mon sac sous un rocher et me lance sur le chemin raide qui monte à l’assaut du Tounô, 500 mètres plus haut. C’est rude ! Mais la météo est bonne fille, la couronne de nuage s’évapore et après une dernière barre de neige, j’atteins sans trop de peine le sommet du premier 3000 de la saison. Panorama à 360 degrés sur les sommets du Valais central, certains déjà sous la pluie et les orages.

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  • Coup de mou et relance grâce à deux chamois

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    21e étape – Grimentz - Zinal – Mercredi 1er juillet 2020

    Après une année d'interruption, j'ai décidé de reprendre ce tour du valais à pied et en solitaire là où je l'avais laissé l'an dernier, à Grimentz. Le 1er juillet, j'ai donc repris mon sac à dos pour 35 jours de marche.
    Départ de Genève par le train de 10h30, en retard de dix minutes. La reprise de ce tour du Valais à pied après 12 mois d’interruption commence mal. A Sierre, le car postal part sans attendre la correspondance du train et me laisse sur le flanc. Heureusement, un autre bus est annoncé 75 minutes plus tard. Il me pose à Grimentz peu avant 15h. Trop tard pour envisager de monter à la Corne de Sorebois mais assez tôt pour rejoindre Zinal par les chemins du coteau, le long de l’ancien bisse de Morasse. Pour corser un peu la route et franchir le cap des 2000 mètres d’altitude, j’opte pour le trajet le plus alpin, avec une petite montée de 400 mètres par l’alpage du Chiesso.
    Dans les premiers mètres, je suis content de retrouver la forêt, l’odeur des bois, les aiguilles de pin sur le chemin, les torrents, les mélèzes, les myosotis et les sabots de Vénus. Mais très vite, je suis rattrapé par une brutale chute de forme. Après une heure de marche, je me sens exténué, avec un sac à dos qui semble peser une tonne et déchire les épaules, des bâtons qui tiennent mal au sol, des jambes lourdes et des pieds mal assurés. Le moteur rugit, la sueur est à son comble, le coeur bat à 150 coups/minutes. Mais impossible d’enclencher la deuxième vitesse, pour faire baisser le régime tout en gardant l’allure. La faute à deux mois de confinement? A une soixante-troisième année qui pèse plus lourd que les précédentes? A un moral en berne à l’idée de s’arracher pour des semaines aux petits conforts de la plaine et de la ville? Ou à un sentiment de déjà-vu et une perte de l’attrait de la nouveauté ?

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